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25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 09:44
Pâques : le blogueur Goes to Church

Peu d’amateurs de jazz français connaissent Hans Ulrik, saxophoniste danois né en 1965 très apprécié dans son pays. Son imposante discographie comprend des enregistrements avec John Scofield, Lars Danielsson et Peter Erskine (“Short Cuts” en 2000), Steve Swallow, Bobo Stenson et Ulf Wakenius (“Believe in Spring” en 2008). Gary Peacock, Adam Nussbaum et Eiving Aaset ont également travaillé avec Ulrik, musicien qui, pour Pâques, nous emmène à l’église. Avec lui, le blogueur de Choc “Goes to Church” (pour reprendre le titre d’un disque en big band de Carla Bley) et vous invite à le suivre.

Pâques : le blogueur Goes to Church

En 2015, Hans Ulrik fut invité à composer la musique d’un office religieux pour célébrer le 75ème anniversaire de l’église Grundtvig. Depuis 1940, date de son inauguration officielle, elle se dresse, majestueuse sur la colline du Bispebjerg au nord ouest de Copenhague. C’est son architecte, Peder Vilhelm Jensen Klint, qui eut l’idée de bâtir une église à la mémoire de Nikolai Frederik Severin Grundtvig (1783 - 1872), pasteur luthérien, écrivain, poète, historien et pédagogue (peint ici par Constantin Hansen) dont l’influence fut grande sur la culture danoise. À la première pierre posée en 1921, furent ajoutées six millions de briques de couleur ocre. Car l’édifice, plutôt imposant, peut accueillir 1.800 personnes. La hauteur de son campanile fait 49 mètres. Hautes de 22 mètres, ses trois nefs ont une longueur totale de 76 mètres et une largeur de 35 mètres. Si Klint s’est inspiré de l’église traditionnelle du village danois c’est pour lui donner la dimension harmonieuse d’une cathédrale gothique.

Hans ULRIK : “Suite of Time” (Stunt Records / Una Volta Music)

Pâques : le blogueur Goes to Church

Introduite par un prélude, complétée par un hymne, un sacrement et un postlude, la Suite of Time d’Hans Ulrik (saxophones ténor et soprano) comprend quatre mouvements, chacun d’eux associé à une date chapitrant un texte de l’historien Henrik Jensen que le livret de l’album reproduit. Examinant la période écoulée depuis la construction de l’église, Jensen met en avant les années 1945 (fin de l’occupation allemande le 5 mai), 1967 (le Summer of Love), 1989 (chute du mur de Berlin le 9 novembre) et 2001 (destruction des tours jumelles du World Trade Center le 11 septembre).

Pâques : le blogueur Goes to Church

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la musique de ce disque n’est en rien religieuse. Faites la écouter à un mélomane averti, il vous dira que c’est du jazz à cent pour cent. Même l’hymne Min Jesus, lad mit hjerte få (Mon Jésus, laisse mon cœur te recevoir) et le sacrement O du Guds lam (O, Agneau de Dieu) relèvent du jazz. Pour le jouer, cinq excellents musiciens inconnus à nos oreilles, la sixième, Marilyn Mazur qui brille aux percussions sur trois plages, nous étant familière. La section rythmique a beau se révéler excellente avec Kaspar Vadsholt à la contrebasse (ses basses rondes, profondes et pneumatiques font danser la musique) et Anders Mogensen à la batterie, la batteuse / percussionniste apporte un foisonnement rythmique appréciable à la musique, et ce dès le Præludium (prélude) qui ouvre le disque. Ulrik le joue au soprano et en est le seul soliste. Le lyrisme de son chorus, sa sonorité volumineuse ne laissent pas insensible et l’orchestration soignée du morceau donne une idée de la qualité de ce qui va suivre.

Pâques : le blogueur Goes to Church

À commencer par la longue pièce de résistance de l'album, cette Suite of Time en quatre parties introduite par Ulrik au ténor. Confiée à Peter Rosendal qui joue aussi du piano électrique Wurlitzer, une trompette basse (une octave plus basse que la trompette habituelle) double subtilement le thème puis toujours en compagnie du ténor, ajoute des riffs derrière le solo d‘Henrik Gunde, le très actif pianiste de la séance. Porté par une section rythmique qui a adopté un confortable tempo de croisière, le morceau swingue comme aux plus beaux jours du jazz. Le ténor a repris la main avant de laisser le batteur démarrer le mouvement suivant, un thème riff au tempo encore plus rapide sur lequel Ulrik improvise de courtes phrases mélodiques. Derrière lui, la basse ronronne, la batterie assure un bon vieux ternaire et les claviers chantent. La troisième partie de l’œuvre met en valeur la contrebasse de Kaspar Vadsholt. Trompette basse (flugabone) et saxophone exposent son thème magnifique. C’est au tour du piano d’introduire la partie suivante tout aussi lyrique et captivante, pleine de swing et de souffle. Après une dernière improvisation du ténor, c’est au tour des deux pianistes de dialoguer, de mêler leurs timbres, le batteur mettant un point final à cette suite inspirée.

Pâques : le blogueur Goes to Church

Trois autres plages lui succèdent. L’hymne Min Jesus, lad mit hjerte få, une ballade, fait entendre une mélodie superbe. Le saxophone la décline, le piano la trempe dans un bain harmonique qui lui donne de tendres couleurs. Marilyn Mazur enrichit à nouveau l’espace sonore de ses percussions. Elle fait de même dans The Sacrement / O du Guds Lam, un morceau plus tendu, plus sombre, son thème hypnotique se voyant répété ad libitum. Peter Rosendal s’offre enfin un chorus de trompette basse dont le timbre évoque beaucoup celui du trombone. La tension s’estompe, remplacée par le chant apaisé du soprano. C’est sur ce dernier instrument, en duo avec son pianiste, qu’Hans Ulrik, en état de grâce, achève sa “Suite of Time par un sobre Postludium (postlude) dans lequel il reprend le thème d’ouverture et conclut magnifiquement une œuvre impressionnante.

Pâques : le blogueur Goes to Church

Photos X/D.R.

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17 mars 2016 4 17 /03 /mars /2016 10:14
 Ian SHAW “The Theory of Joy” (Jazz Village / Harmonia Mundi)

Un nouveau disque de Ian Shaw sur le label Jazz Village, voilà une bonne nouvelle. Les jazzmen britanniques ne traversent pas souvent la Manche pour nous rendre visite. On les voit peu, on les connaît mal, bien que certains d’entre eux nous soient familiers. Jamie Cullum qui admire Ian Shaw le considère comme le meilleur chanteur de Grande-Bretagne. Moi aussi. Le Prix du Jazz Vocal de l’Académie du Jazz qui lui échappa de peu en 2006 ne l’empêcha pas de venir chanter au foyer du Châtelet lors de la remise des prix en décembre. Vainqueur cette année-là des BBC Jazz Awards, Shaw se produisit quelques mois plus tard au Sunside. Entièrement consacré au répertoire de Joni Mitchell, “Drawn to All Things” (Linn Records) était la principale cause de cet engouement médiatique. Outre A Case of You et River qu’affectionnent les jazzmen, Shaw reprend une douzaine d’autres chansons de la songwriter canadienne, les habille de couleurs inédites et en donne des versions personnelles. Cette réussite n’empêcha pas le chanteur, célébré dans de nombreux pays, de se faire oublier dans l'hexagone.

 Ian SHAW “The Theory of Joy” (Jazz Village / Harmonia Mundi)

Après plusieurs albums mal distribués, Ian Shaw fait à nouveau l’actualité avec “The Theory of Joy enregistré l’été dernier avec trois de ses compatriotes. Pianiste très demandé en studio, auteur de plusieurs disques en trio pour Moletone Records, Barry Green sert la voix de Shaw avec beaucoup d’à propos et de finesse. Brillant improvisateur, il se plait à préserver la ligne mélodique des morceaux qu’il interprète, sa parfaite connaissance du vocabulaire du jazz lui permettant aisément de swinguer. Avec lui, la contrebasse solide de Mick Hutton et le drumming précis de Dave Ohm assurent des tempos pneumatiques, un confort qui profite assurément à la musique. Bien entouré, Ian Shaw n’a pas à forcer son talent pour séduire dans un répertoire étonnamment éclectique. Car le chanteur enthousiasme constamment par sa justesse, le parfait placement rythmique de sa voix. You Fascinate Me So que chantait Blossom Dearie bénéficie de cette fluidité et dans Everything que Barbara Streisand popularisa en 1976, Shaw module longuement ses notes, trouve les intonations qui conviennent pour raconter l’histoire que contient la chanson. You’ve Got to Pick a pocket or Two, un des thèmes de la comédie musicale “Oliver ! adaptée à l’écran par Carol Reed, est tout aussi enlevé. De même que In France They Kiss on Main Street de Joni Mitchell, en partie transformé par le quartette. Une autre reprise, The Low Spark of High Heeled Boys du tandem Steve Winwood / Jim Capaldi, hérite aussi d’un nouvel arrangement. On peut toutefois lui préférer la longue version à l’instrumentation plus conséquente qu’en donna Traffic en 1971 dans l’album du même nom.

 Ian SHAW “The Theory of Joy” (Jazz Village / Harmonia Mundi)

Sobrement chanté dans les deux langues, Ne me quitte pas, en anglais If You Go Away, n’égale pas la version qu’en donna Nina Simone. La voix rauque et plaintive de cette dernière fait la différence bien que Shaw chante avec émotion, ce qu’il fait très bien dans les ballades. Il parvient mieux à convaincre dans Brother, une chanson écrite à la mémoire de son frère Gareth disparu deux ans avant sa naissance. Une autre ballade, une reprise de How Do You Keep the Music Playing composé en 1982 par Michel Legrand pour le film “Best Friends (un tube pour Patti Austin un an plus tard) illumine ce disque, véritable boîte à merveilles. Where Are We Now, un extrait de “The Next Day, album que David Bowie fit paraître en 2013, en reste l’indépassable sommet. Accompagnée par une contrebasse à la sonorité ronde et pleine, un piano lyrique et enveloppant, des tambours caressés, la voix souple et agile de Ian Shaw, une voix de baryton martin, la plus élevée des voix graves, traduit pleinement la nostalgie de cette évocation berlinoise et nous touche profondément.

“The Theory of Joy” est également disponible en double album vinyle comprenant trois titres supplémentaires : Last Man Alive, The Shadow et Born to Be Blue (Mel Tormé).

 

Photos © Tim Francis

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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 09:06
Avec tambour et trompettes

Deux disques de trompettistes sortent simultanément sur ECM. Hommage à son père récemment disparu, celui d’Avishai Cohen est plus émouvant et accessible que celui de Ralph Alessi au lyrisme plus abstrait, à l'approche plus difficile. Les deux albums ont toutefois en commun de réunir le même batteur, Nasheet Waits, et de proposer des paysages mélancoliques envoûtants, une musique modale que Yonathan Avishai et Gary Versace, les pianistes de ces deux séances, font intensément respirer.

 

Ralph Alessi Quartet : “Quiver” (ECM / Universal)

Avec tambour et trompettes

Trompettiste très demandé à New York, Ralph Alessi est un peu mieux connu ici depuis la sortie de “Baida, son premier disque pour ECM en 2013. Un album en duo avec Fred Hersch, un autre plus récemment avec Enrico Pieranunzi mettent enfin en lumière un musicien qui a d’excellents disques mal distribués à son actif. Également enregistré pour ECM, “Quiverreprend la même section rythmique de “Baida, le fidèle Drew Gress à la contrebasse et Nasheet Waits à la batterie. Jason Moran cède toutefois le piano à Gary Versace sans que la musique n’en soit réellement transformée. Moins audacieux, ce dernier donne de l’élégance à ces pièces austères et largement improvisées, des compositions ouvertes, mélancoliques (Window Goodbyes), presque toujours construites sur des tempos lents ou médiums, excepté Do Over, une ritournelle fermant l’album. Énergique dans Scratch, mais souvent utilisée comme un instrument mélodique, la batterie met en avant ses timbres et apporte des couleurs au tissu musical. Comme ses collègues, Nasheet Waits participe pleinement à cette création collective, des compositions signées par Alessi dans lesquelles tous s’expriment et déposent leurs idées. La trompette de ce dernier y tient bien sûr une place prépondérante. Dès Here Tomorrow qui ouvre le disque, elle impose sa sonorité élégante et ronde, cuivrée et travaillée, s’envole sur les accords arpégés du piano. Malgré sa discrétion, Versace reste son interlocuteur privilégié. Il assoit et structure les propositions mélodiques du leader, impose ses choix harmoniques. Il faut attendre Smooth Descent, la troisième plage, pour l’entendre prendre un vrai chorus, le découvrir dans un solo si fluide qu’on le croirait écrit. Pianiste du John Hollenbeck Large Ensemble et du Refuge Trio, mais aussi organiste et accordéoniste au sein du Maria Schneider Orchestra, il pratique un jeu subtil et économe, n’hésite pas dans Heist à détacher chacune de ses notes, à les rendre rêveuses dans Gone Today, Here Tomorrow, pièce abstraite de près de dix minutes qui se tend, se détend, se transforme, et dans laquelle les musiciens rivalisent d’invention.

Ralph Alessi et les musiciens de “Quiver seront au Duc des Lombards le 19 mars (deux concerts, 19h30 et 21h30).

Avec tambour et trompettes

Avishai COHEN : “Into The Silence (ECM / Universal)

Avec tambour et trompettes

Dans ce disque, le premier que le trompettiste Avishai Cohen enregistre sous son nom pour ECM, le musicien virtuose économise ses notes, joue de longues phrases tranquilles et aérées qui ne ressemblent pas à ce qu’il fait d’habitude. Life and Death qui ouvre l’album est une pièce particulièrement émouvante. Munie d’une sourdine, sa sonorité ample et profonde évoquant Miles Davis, la trompette entonne un lamento que le piano complice de Yonathan Avishai habille des tendres couleurs du blues. Inspiré par une écoute obsessionnelle des Préludes et des Etudes de Sergueï Rachmaninov, mais aussi par “Out to Lunch d’Eric Dolphy qu’Avishai avait alors constamment en tête, le répertoire de ce disque, des morceaux qu’Avishai Cohen écrivit dans les six mois qui suivirent la mort de son père en novembre 2014, n’a pas été joué avant son enregistrement au Studio La Buissonne en juillet 2015. La seule répétition que s’accorda le trompettiste fut une mise à plat préalable des thèmes avec Yonathan au piano. La contrebasse d’Eric Revis et la batterie de Nasheet Waits fournissent de pertinents commentaires rythmiques. Avec souplesse, ils ouvrent et distendent le temps, le suggèrent. Modale, mélancolique, la musique est spontanément embellie par des musiciens réactifs qui lui offrent beaucoup d’espace. Jamais tributaire des barres de mesure, elle accueille constamment le silence. Invité inattendu, Bill McHenry double au saxophone ténor le thème de Quiescence, une pièce lente au balancement délicat, une des belles mélodies de l’album. Dans Dream Like a Child son saxophone dialogue brièvement avec la trompette et Behind the Broken Glass lui donne l’occasion de prendre un chorus affirmant son lyrisme. Quant au piano, Yonathan Avishai en caresse délicatement ses notes, en joue peu, les choisit bien et les fait merveilleusement sonner. Que se soit avec la seule section rythmique (surtout dans Dream Like a Child, la trompette réveillant tardivement sa longue méditation poétique) ou en solo dans Life and Death - Epilogue, dernière pièce de l’album, il occupe une place essentielle dans le processus créatif.

Crédits Photos : Ralph Alessi © Lena – Avishai Cohen © Catarina di Perri / ECM Records.

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 09:05
L'amie américaine

Son nom était Harriette Draper mais ses amis l’appelaient Heidi. Lorsque je fis sa connaissance au début des années 80, elle avait quitté l’Amérique et habitait Paris, sur une péniche. Elle aimait le jazz et je travaillais à Jazz Hot. Il m’était donc facile de la faire inviter à des concerts et nous prîmes l’habitude d’y aller ensemble. Née à Boston pendant la guerre, elle s’était familiarisée avec le jazz dans sa jeunesse et lorsque Chet Baker, Stan Getz, Dizzy Gillespie ou Art Blakey et ses Jazz Messengers venaient jouer à Paris, elle se faisait une joie d’aller les entendre. Sensible au jazz de Wynton Marsalis, au poids de la tradition culturelle que véhicule cette musique, elle était également ouverte à un jazz plus moderne, toujours partante pour écouter les musiciens que je lui conseillais.

L'amie américaine

Heidi me faisait confiance et je lui fis découvrir les jazzmen que j’admirais, parmi lesquels bien sûr de très nombreux pianistes. Je pense à Aaron Goldberg, Tord Gustavsen, Gerald Clayton que nous écoutâmes en concert. Celui que donna en solo Brad Mehldau le 10 septembre 2011 à la Cité de la Musique me vient également à l’esprit. Brad nous enchanta ce soir-là par une version inouïe de La Mémoire et la mer qui figure dans le coffret “10 Years Solo Live” édité l’an dernier. La prestation en solo de Marc Copland dans l’auditorium de cette même Cité de la Musique le 7 septembre 2012 fut un autre grand moment pianistique. Nous le retrouvâmes après le concert, Heidi, enthousiasmée par son piano, se faisant prendre en photo avec lui. Sur un autre cliché datant du 3 juillet de l’année précédente, elle est avec Enrico Pieranunzi qu’elle avait beaucoup apprécié en solo au Sunside.

L'amie américaine

Connaissant beaucoup de monde, Heidi organisait souvent des dîners et des fêtes. Elle invitait ses amis et les miens pour mes anniversaires, pour les 14 juillet. Sa péniche restant amarrée port de Suffren, au pied de la tour Eiffel, nous étions très bien placés pour assister aux feux d’artifice. J’ai rencontré chez elle de nombreux artistes, Roland Topor qu’elle appréciait et dont le rire énorme me reste toujours en mémoire, le peintre Michael Bastow qui fit des portraits d'elle, le créateur d’œuvres protéiformes Yujiro Otsuki, les cinéastes Jean Rouch et Richard Leacock qui fut son professeur, ses amies actrices Alexandra Stewart et Gabrielle Lazure. Le producteur Anatole Dauman (Argos Films) lui faisait une cour assidue. Elle le trouvait beaucoup trop vieux mais l‘amusait beaucoup. Diplômée en anthropologie et cinéaste militante, elle réalisa plusieurs films dont “Take It Backconsacré au candidat démocrate Howard Dean dont elle suivit en 2004, en Iowa, la campagne pour les primaires américaines, “Home Sweet Home coréalisé avec le cinéaste Michael Raeburn et consacré à l’histoire de leurs familles respectives, et “The Musical Steppes of Mongolia réalisé avec l’ethnomusicologue Alain Desjacques en 1995.

Heidi s’était installée au Mexique, à San Miguel de Allende, et ces dernières années, je la voyais l’été, entre deux déplacements. Nous poursuivions nos sorties dans les clubs de la capitale, profitant de ces soirées musicales pour dîner ensemble. Elle avait vendu sa péniche et rapatrié ses affaires au Mexique et projetait d’y organiser un festival de jazz. Les concerts du quartette de Bruno Angelini au Triton le 1er juillet, de Ronnie Lynn Patterson au Sunside le 7 juillet et du trio de René Urtreger le 28 août dans ce même club furent les derniers que nous vîmes ensemble. Elle n’avait jamais été malade et je la croyais en bonne santé lorsque le 24 janvier je reçus d’elle, de New York, la triste nouvelle de sa fin proche. Elle avait un cancer en phase terminale, me renouvelait son amitié et me remerciait pour tous ces merveilleux concerts partagés. Son fils Ahab m’annonçait son décès une semaine plus tard. Le jazz perd une amie, ma grande amie américaine.

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

L'amie américaine

-Réunissant Christian Gaubert (piano), Jannick Top (basse électrique) et André Ceccarelli (batterie) Ligne Sud est attendu au Duc des Lombards le 3. Avec eux Christophe Leloil (trompette) et Thomas Savy (saxophone soprano, clarinette basse) qui les accompagnent dans “Lendemains Prometteurs (Cristal Records), leur second album. Compositeur, arrangeur et chef d’orchestre né à Marseille le 29 juin 1944, Christian Gaubert revient ainsi au jazz après avoir consacré une bonne partie de sa carrière au cinéma. On lui doit notamment les arrangements d’“Un homme et une femme” et de “Vivre pour vivre”, des thèmes écrits par Francis Lai avec lequel il collabora étroitement. Pianiste et compositeur habile, il sait mettre en lumière ses propres œuvres, des pièces lyriques que ses complices trempent dans un swing irrésistible.

L'amie américaine

-Le saxophoniste Benny Golson au Petit Journal Montparnasse le 5. Né en 1929, ce n’est plus un tout jeune homme et son glorieux passé a fait de lui une légende. Compositeur, il a écrit des thèmes que bien d’autres ont repris, des standards dont il confia certains aux Jazz Messengers dont il fut un temps le directeur musical. Along Came Betty, Stablemates, Whisper Not, I Remember Clifford et Blues March en sont les plus célèbres. Ceux qui aiment le jazz se souviennent aussi du Jazztet, formation qu’il codirigea avec le trompettiste Art Farmer. Agé de 87 ans, le saxophoniste possède toujours une sonorité chaude et généreuse au ténor. Il se lance en quartette dans une tournée européenne qui le verra probablement s’économiser, prendre le temps de respirer. Antonio Faraò au piano, Gilles Naturel à la contrebasse et Doug Sides (batterie) seront là pour l’aider.

L'amie américaine

-Toujours le 5, une soirée 100% jazz au féminin à la Philharmonie de Paris (20h30) avec Ladies !, formation réunissant Cécile McLorin Salvant (chant), Ingrid Jensen (trompette), Anat Cohen (clarinette), Renée Rosnes (piano, en photo), Melissa Aldana (saxophone), Linda Oh (contrebasse) et Terri Lyne Carrington (batterie). Certaines d’entre-elles nous sont connus. Cécile vient récemment d’obtenir un Grammy Award pour son dernier album qui a également reçu le Prix du Jazz Vocal 2015 de l’Académie du Jazz, et Renée a tourné l’an dernier en Europe avec Ron Carter. Epouse de Bil Charlap avec lequel elle a enregistré un remarquable “Double Portrait pour Blue Note, c’est également une grande pianiste qui assumera la direction de cet orchestre pas comme les autres.

L'amie américaine

-Kenny Barron et son trio au New Morning le 10. Le pianiste joue avec Kiyoshi Kitagawa (contrebasse) et Johnathan Blake (batterie) depuis une bonne dizaine d’années. Avec eux, il reprend son vaste répertoire, revient sur d’anciennes compositions, en ajoute quelques nouvelles. Son nouveau disque “Book of Intuition” sort le 4 mars sur Impulse. Il en jouera probablement des extraits, des versions probablement meilleures que celles un peu plan-plan que contient l’album. Car le pianiste dont les harmonies raffinées trempent dans le bop est souvent meilleur devant un public qu’en studio. Les deux disques qu’il enregistra en avril 1996 au Bradley’s (avec Ray Drummond à la contrebasse et Ben Riley à la batterie) sont là pour le prouver.

L'amie américaine

-Enregistrement de l’émission Jazz sur le Vif dans le studio 105 de Radio France le samedi 12 à 17h30. Au programme Alcazar Memories, un trio franco-suédois comprenant Paul Lay au piano, Isabel Sörling au chant et Simon Tailleu à la contrebasse. Chansons populaires françaises (surtout provençales) et suédoises et compositions originales constituent leur répertoire. Le Instant Sharings Quartet de Bruno Angelini (en photo), avec Régis Huby au violon, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Edward Perraud à la batterie, assurera la seconde partie. Publié en juin 2015, l’album du même nom (“Instant Sharings”) privilégie couleurs et harmonies, la musique souvent onirique, fruit d’un travail collectif qui, sur scène, laisse beaucoup de place à l’improvisation, traduit l’univers poétique du pianiste.

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-Christian McBride au New Morning le 16 avec le batteur Christian Sands et le batteur Ulysses Owens, Jr. qui l’accompagnent régulièrement depuis trois ans. Digne héritier du grand Ray Brown, McBride, bassiste virtuose, a adopté la formule du trio en 2009 lorsque, obligé d’assurer un concert sans deux des membres de son quintette, il se rendit compte que le trio lui offrait un plus grand espace de liberté. Car avec lui, la contrebasse, instrument mélodique à part entière, s’autorise de véritables dialogues. Christian McBride la fait chanter, en sculpte les notes, en fait sonner les harmoniques. Il la caresse, la flatte et elle ronronne comme un gros chat heureux.

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-Ralph Alessi au Duc des Lombards le 19 avec Gary Versace (piano), Drew Gress (contrebasse) et Nasheet Waits (batterie), musiciens qui l’accompagnent dans “Quiver, le deuxième album que le trompettiste enregistre pour ECM. Le premier “Baida qui réunit à peu près la même équipe – Jason Moran en est le pianiste – a été l’un de mes 13 Chocs de l’année 2013. Le groupe donne à entendre une musique modale et onirique, bien plus lyrique et apaisée que celle que Ralph Alessi joue avec This Against That, formation dont Drew Gress était également le bassiste. On écoutera aussi le trompettiste avec Enrico Pieranunzi dans “Proximity disque récemment chroniqué dans ce blogdeChoc.

L'amie américaine

-Chanteuse inclassable dont la voix escalade trois octaves, Marjolaine Reymond présentera le 20 au Sunside les morceaux de “Demeter No Access”, son prochain disque. Confié un temps à David Patrois, le vibraphone se voit finalement remplacé par le piano de Bruno Angelini et Julien Dubois (saxophone alto) succède à Julien Pontvianne (saxophone ténor), la section rythmique restant inchangée avec Xuan Lindenmeyer (contrebasse) et Stefano Lucchini (batterie). Consacré à la poétesse Emily Dickenson, “To Be an Aphrodite or not to Be”, son dernier album, date de 2013. Elle en reprendra probablement des extraits.

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-Le 21 au théâtre du Châtelet, Patrice Caratini tentera de résumer son demi-siècle d’aventures musicales en invitant quatre générations de musiciens à rejoindre son Jazz Ensemble, dans les rangs duquel officie quelque uns de nos meilleurs jazzmen français. Parmi les très nombreux invités du contrebassiste, compositeur, chef d’orchestre et arrangeur citons Martial Solal et Gustavo Beytelmann (piano), Marcel Azzola (accordéon) Sarah Lazarus (chant), Thierry Caens (trompette), l’Orchestre Régional de Normandie, mais aussi Maxime Le Forestier qui interprétera Le fantôme de Pierrot, une chanson de l’album “Hymne à sept temps” que Patrice avait orchestré en 1976.

L'amie américaine

-Le pianiste italien Franco d’Andrea au Sunside le 25 avec Daniele d’Agaro (clarinettes) et Mauro Ottolini (trombone). En janvier 2011, il recevait des mains de Jean-Luc Ponty le Prix du Musicien Européen décerné par l’Académie du Jazz au théâtre du Châtelet. Membre de la formation d’Aldo Romano à la fin des années 80, auteur d’un album en trio pour Owl Records dont je ne me lasse pas d’écouter (“Volte” un enregistrement de 1989) et d’une vaste somme pianistique pour Philology, (huit disques en solo), Franco D’Andrea reste méconnu en France. Son dernier disque, un coffret de trois CD(s) enregistrés à Rome et en public, le fait entendre en solo et à la tête de deux formations différentes dont un sextet inventif (ses deux compatriotes qui l’accompagnent au Sunside en sont membres) se consacrant à la musique de Thelonious Monk.

L'amie américaine

-René Urtreger au Sunside le 26 et le 27 avec Yves Torchinsky à la contrebasse et Eric Dervieu à la batterie, ses musiciens complices grâce auxquels son piano chante et danse avec plus de facilité que d’autres. Le 26, René invite Géraldine Laurent à souffler dans son saxophone alto, à rendre plus énergique encore sa musique, un jazz inventé par Bud Powell (son idole) et Thelonious Monk, ce be-bop qui grâce à lui et quelques autres reste vivant et toujours joué. Géraldine aime ce répertoire. Comme René, elle le reprend dans ses disques, joue Gallop’s Gallop et Nica’s Tempo (dans son album “Around Gigi” largement consacré à Gigi Gryce), Epistrophy dans “At Work”, récemment primé par l’Académie du Jazz. Géraldine et René se sont récemment retrouvés sur la scène du Théâtre du Châtelet pour fêter les 60 ans de l’Académie du Jazz et s’entendent à mettre leur technique au service d’une musique dont ils entretiennent la mémoire.

L'amie américaine

-Les 29 et 30 mars au Duc des Lombards, Pierre Perchaud (guitare), Nicolas Moreaux (contrebasse) et Jorge Rossy, batteur des premiers disques de Brad Mehldau, joueront le répertoire de “Fox” disque qui a pu voir le jour grâce à un « crowdfunding » (financement participatif). Loin d’exhiber une virtuosité stérile, les trois hommes construisent ensemble une musique aux harmonies subtiles et délicates. Entre John Scofield, Kurt Rosenwinkel et Jim Hall, la guitare de Perchaux associe finesse d’expression à une sonorité travaillée. Auteur de trois des dix pièces que contient l’album, Nicolas Moreaux, est aussi un compositeur qui apporte de vraies mélodies au groupe. Les tempos lents et médiums favorisent le lyrisme que les musiciens prennent le temps d’exprimer, ciselant leurs notes comme des orfèvres leurs pierres précieuses. Leur version de And I Love Her en est une assurément. On l’écoute comme dans un rêve.

L'amie américaine

-Le 30, Frédéric Borey retrouve le Sunside avec les musiciens de “Wink” son dernier album dont j’ai dit tout le bien dans ce blog. Michael Felberbaum (guitare), Leonardo Montana (piano), Yoni Zelnik (contrebasse) et Fred Pasqua (batterie) entourent le saxophoniste s’exprimant au ténor, un instrument dont il parvient à obtenir une sonorité originale. Avec eux, Frédéric Borey revisite des standards, les réinvente comme si ce matériel thématique venait de voir le jour. Des œuvres de George Gershwin (Bess, you is my Woman Now, My Man’s Gone Now), de Cole Porter (Get Out of Town), de Bill Evans (Blue in Green) sans oublier une version tonique de Boplicity sont confiés à un arrangeur qui les habille d’harmonies et de rythmes nouveaux, leur apporte des couleurs inédites. Ses relectures audacieuses méritent le déplacement.

L'amie américaine

-La 33ème édition de Banlieues Bleues se déroulera du 18 mars au 15 avril. Peu de concerts m’interpellent en mars, le festival abritant les couleurs de très nombreux genres musicaux. On pourra toutefois investir la Maison du Peuple de Pierrefitte-sur-Seine le 26 pour y écouter le guitariste Biréli Lagrène avec Franck Wolf (saxophones ténor et soprano), Mathieu Chatelain (guitare) et Diego Imbert (contrebasse). Rendez-vous en avril, avec le Tinissima 4Et du saxophoniste Francesco Bearzatti à Tremblay-en-France (le 6) et le pianiste Chucho Valdés à Montreuil (le 8) dans un hommage à Irakere.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

-Cité de la Musique - Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

-New Morning : www.newmorning.com

-Jazz sur le Vif : www.maisondelaradio.fr/concerts-jazz

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Théâtre du Châtelet : www.chatelet-theatre.com

-Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

 

Crédits Photos : Harriette Draper, Renée Rosnes, Bruno Angelini, Marjolaine Reymond © Pierre de Chocqueuse – Ligne Sud Trio, Benny Golson, Ralph Alessi, Patrice Caratini, René Urtreger & Géraldine Laurent, Frédéric Borey © Philippe Marchin – Kenny Barron Trio © Impulse ! Records – Christian McBride Trio © Chi Modu – Franco d’Andrea © Riccardo Musacchi – Pierre Perchaud / Nicolas Moreaux & Jorge Rossy © Photo X/D.R.

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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 09:12
Soir de fête

Présidée par François Lacharme, l’Académie du Jazz fêtait ses soixante ans au théâtre du Châtelet le 8 février et, pour la première fois de son histoire, accueillait le grand public lors d’une soirée de gala au cours de laquelle elle dévoila son palmarès 2015. La remise des prix fut toutefois écourtée au profit d’un programme musical varié et attractif, la musique restant la grande gagnante de cette soirée inoubliable.

Soir de fête

Un All Stars d’anciens lauréats du Prix Django Reinhardt en constituait la première partie. Récipiendaire du prix en 1961, René Urtreger eut l’honneur d’ouvrir les festivités. Il choisit une composition récente, Timid, dédiée à Agnès Desarthe qui termine d’écrire un livre sur le pianiste pour les Éditions Odile Jacob (parution prévue au printemps). Après cette belle prestation en solo, René fut rejoint sur scène par Airelle Besson et Eric Le Lann (trompettes), Géraldine Laurent, Pierrick Pedron et Stéphane Guillaume (saxophones), Henri Texier (contrebasse) et Simon Goubert (batterie). Summertime (dans une réduction du superbe arrangement de Gil Evans) et Milestones furent ainsi joués en octette.

Soir de fête
Soir de fête

Toujours avec René Urtreger au piano, Henri Texier à la contrebasse et Simon Goubert à la batterie, Airelle Besson et Stéphane Guillaume nous offrirent une belle version de Django, un thème de circonstance. Géraldine Laurent et Eric Le Lann firent de même dans The Man I Love et dans What’s New, Airelle s’associa au saxophone alto de Pierrick Pedron, les huit musiciens de l’orchestre constituant ainsi des quintettes au personnel interchangeable. Autre temps fort, une relecture acrobatique de The Bridge (Sonny Rollins), exploit réalisé sans piano par les trois saxophones, la contrebasse et la batterie. Les lauréats du Prix Django Reinhardt remplissaient aussi la salle. Antoine Hervé, Laurent Cugny, Pierre de Bethmann, Jean-Louis Chautemps, Laurent de Wilde, Sophia Domancich, Médéric Collignon, j’en oublie bien sûr, n'avaient pas voulu manquer l’événement. D’autres non plus. Le Châtelet, archi-comble, avait un air de fête.

Soir de fête

Après un court entracte, François Lacharme revint sur scène remercier les sociétés civiles (SACEM, SPEDIDAM, ADAMI) et les partenaires de l’Académie parmi lesquels la Fondation BNP Paribas dont l’Académie bénéficie depuis plusieurs années du généreux mécénat. La remise des prix fut courte. Peu de blabla, mais le micro laissé à des lauréats heureux qui prirent le temps de le dire. Le Prix du Disque Français fut remis à Géraldine Laurent pour “At Work(Gazebo / L'autre distribution), un disque en quartette produit par le pianiste Laurent de Wilde qui recueille bien des récompenses, l’Académie Charles Cros l'ayant également primé.

Soir de fête

Récompensé pour l’ensemble de son œuvre, John Surman qui vit à Oslo avait fait le voyage pour recevoir Le Prix du Jazz Européen et participer au concert. Pianiste du Duke Orchestra, Philippe Milanta obtenait le Prix du Jazz Classique pour “For Duke and Paul”, un album enregistré avec le saxophoniste André Villeger. Quant au très convoité Prix Django Reinhardt, la plus prestigieuse récompense que décerne chaque année l’Académie, il échut à Paul Lay, qui au piano nous offrit une version de Cheek to Cheek aussi moderne et audacieuse qu’inattendue.

Soir de fête

Le rideau se leva sur le Duke Orchestra* dirigé avec talent et savoir-faire par Laurent Mignard. On est soulevé par le swing, la puissance sonore des sections, conquis par la beauté et l’intelligence d’un répertoire intemporel. L’orchestre attaqua très fort avec Kinda Dukish couplé avec Rockin’in Rhythm, morceaux qui firent trembler les murs du théâtre, Philippe Milanta nous offrant un mirifique solo de piano. Carl Schlosser fit chanter Cop Out à son saxophone ténor. Didier Desbois brilla à l’alto dans Things Ain’t What They Used to Be et le saxophone baryton de Philippe Chagne donna expressivité et chaleur à l’immortel(le) Sophisticated Lady, les musiciens, tous excellents, se partageant des chorus mémorables. Un des autres sommets de la soirée nous fut donné avec la Harlem Suite que Duke Ellington enregistra en décembre 1951 pour Columbia. Une partition qui permet à Aurélie Tropez de mettre en valeur sa clarinette. Assurant les effets de growl, la trompette de Jérôme Etcheberry y tient une place importante. Cet orchestre irrésistible est porté par une section rythmique associant étroitement le piano de Philippe Milanta, la contrebasse de Bruno Rousselet et la batterie confiée à Julie Saury, celle de Sam Woodyard acquise récemment par la Maison du Duke*, mariage de trois gros instruments organisant le rythme, posant le temps sur lequel tous les musiciens doivent obéir et se régler.

*Dirigé par Laurent Mignard, le Duke Orchestra comprend : Benjamin Belloir, Gilles Relisieux, Jérôme Etcheberry, Richard Blanchet (trompettes), Nicolas Grymonprez, Michaël Ballue, Jerry Edwards (trombones), Didier Desbois, Aurélie Tropez (saxophones alto, clarinettes), Fred Couderc, Carl Schlosser (saxophones ténor), Philippe Chagne (saxophone baryton, clarinette basse), Philippe Milanta (piano), Bruno Rousselet (contrebasse) et Julie Saury (batterie).

 

* La Maison du Duke : www.maison-du-duke.com

Soir de fête
Soir de fête

Les invités du Duke Orchestra qu’annonçait le programme étaient bien sûr très attendus. Parmi eux, John Surman qui avait apporté son saxophone soprano joua un arrangement de Passion Flower de son ami John Warren, et séduisit le public par sa sonorité veloutée, la douceur de son timbre donnant un surplus de tendresse à ce classique ellingtonien.

Soir de fête

Récipiendaire du Prix Django Reinhardt en 1966, Jean-Luc Ponty avait fait parvenir à Laurent Mignard deux de ses compositions arrangées par Jim McNeely. To and Fro, la première, exige une cadence quelque peu alambiquée. Le violoniste parvint toutefois à s’intégrer facilement à la formation qui avait eu le temps de travailler ses morceaux. Nul autre que lui maîtrise à ce point l’instrument dans le jazz, le musicien virtuose séduisant par sa sonorité heureuse, la chaleur expressive de son timbre. Bénéficiant d’un arrangement plus chatoyant, The Struggle of the Turtle to the Sea, sa seconde pièce, une ballade, fut un des grands moments de cette sacrée soirée. Seul bémol, Sanseverino fut modérément apprécié dans It Don’t Mean a Thing malgré la parfaite tenue du Duke Orchestra pendant sa prestation. Bien chanter Ellington n’est pas à la portée de tous. La longue introduction de Take the “A Train confié au piano, les magnifiques couleurs peintes par les anches et les cuivres que le swing met si bien en mouvement, nous firent oublier le scat approximatif du musicien dont les efforts pour se rapprocher du jazz méritaient indulgence.

Soir de fête

Ce soir de fête s’acheva tard dans la nuit au Sunset. Le Conseil des Vins de Saint-Emilion régalait. Le bleu du jazz se teintait de rouge dans le noir de la nuit.

Photos © Philippe Marchin

Soir de fête

LE PALMARÈS 2015

 

Prix Django Reinhardt :

PAUL LAY

Grand Prix de l’Académie du Jazz :

FRED HERSCH « SOLO »

(Palmetto)

Prix du Disque Français :

GÉRALDINE LAURENT « AT WORK »

(Gazebo/L’Autre Distribution)

Prix du Musicien Européen :

JOHN SURMAN

Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit :

ERROLL GARNER « THE COMPLETE CONCERT BY THE SEA »

(Columbia Legacy/Sony Music)

Prix du Jazz Classique :

ANDRÉ VILLÉGER / PHILIPPE MILANTA « FOR DUKE AND PAUL »

(Camille Productions/Socadisc)

Prix du Jazz Vocal :

CÉCILE McLORIN SALVANT « FOR ONE TO LOVE »

(Mack Avenue/Harmonia Mundi)

Prix Soul :

TAD ROBINSON « DAY INTO NIGHT »

(Severn/www.severnrecords.com)

Prix Blues :

HARRISON KENNEDY « THIS IS FROM HERE »

(Dixiefrog/Harmonia Mundi)

Prix du livre de Jazz :

JULIA BLACKBURN « LADY IN SATIN »

(Rivages Rouge/Payot)

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19 février 2016 5 19 /02 /février /2016 08:53
LIGNE SUD TRIO : “Lendemains Prometteurs” (Cristal/H. Mundi)

Toujours associé au bassiste Jannick Top né à Marseille le 4 octobre 1947 et au batteur André Ceccarelli né à Nice le 5 janvier 1946, la présence d’invités transformant souvent Ligne Sud en quartette, le compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Christian Gaubert ici au piano, né à Marseille le 29 juin 1944, sort un nouveau disque de jazz épatant. L’une des bonnes surprises de cette nouvelle année.

LIGNE SUD TRIO : “Lendemains Prometteurs” (Cristal/H. Mundi)

Comme un espoir, la seule plage qui réunit le trio, une merveille, donne des ailes à une basse chantante qui répond à un piano élégant invitant au voyage. Christian Gaubert en a signé le thème. Il est l’auteur de la quasi totalité des compositions de cet album solaire et festif. Souvent asymétriques (des mesures à 11 et 7 temps), les rythmes n’empêchent nullement la musique de swinguer. Médiums ou médiums lents de préférence, les tempos lui apportent un balancement confortable. Seule reprise : une relecture inspirée de Green Dolphin Street en quartette. Car deux jeunes souffleurs complètent à tour de rôle la formation. Né à Caen le 10 juillet 1973, Christophe Leloil fait merveille dans les quatre thèmes qui lui sont confiés, sa prestation dans Green Dolphin Street justifiant à elle seule l’achat immédiat de ce disque. Quant à Thomas Savy, né à Paris le 11 novembre 1972, déjà présent dans Lumières Citadines, un des titres du premier album de Ligne Sud publié en novembre 2013, sa clarinette basse illumine un mouvement délicieusement obsédant et l’Humeur changeante qu’il exprime au saxophone soprano n’altère en rien le lyrisme de son chant. Christian Gaubert se réserve également deux plages en solo, l’une d’entre-elles, Mare Nostrum, étant totalement improvisée. On découvre ainsi un pianiste qui exprime avec élégance ses idées mélodiques et renouvelle son attachement au jazz. Christian Gaubert en jouait dans sa jeunesse, à la tête d’un grand orchestre puis d’un trio dont le batteur était Marcel Sabiani. Monté à Paris à l’âge de 21 ans, il devint l’arrangeur de Charles Aznavour. S'il a peu enregistré sous son nom (deux 30cm et de deux 45 tours pour Tréma), il a écrit des chansons pour Nicole Croisille et Mort Schuman, réalisé un disque de tango pour Guy Marchand et arrangé Vieille canaille pour Serge Gainsbourg et Eddy Mitchell. Très actif dans le cinéma, on lui doit les arrangements de très nombreux thèmes de Francis Lai (“Un homme et une femme” et “Vivre pour vivre” notamment), celui de “Love Story” lui faisant gagner un Oscar à Hollywood. Christian Gaubert aime le jazz. Sa longue expérience de compositeur, il la met ici au service d’une musique chère à son cœur. Ses rythmes, ses mélodies chantantes et entêtantes bénéficient d’un écrin qui les rendent inoubliables.

Photo : Didier Fontan

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12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 09:18
Charles LLOYD & The MARVELS : “I Long to See You” (Blue Note)

Enregistré avec Reuben Rogers à la basse et Eric Harland à la batterie, “I Long To See You”, le nouvel album de Charles Lloyd, célèbre le mariage du jazz, du blues et de la country music américaine. Pas de piano dans ce disque, mais la guitare inspirée de Bill Frisell et la pedal steel enveloppante de Greg Leisz, un vieux complice du guitariste.

Charles LLOYD & The MARVELS : “I Long to See You” (Blue Note)

Charles Lloyd a du sang indien par sa mère et son grand père possédait des terres et une ferme. Bill Frisell est un homme des hautes plaines de la grande Amérique. Il a passé sa jeunesse dans le Colorado, au pied des Rocheuses, ce qui fait que la musique country, omniprésente dans cette région, marque profondément la sienne. Les deux hommes se sont rencontrés en 2013. D’emblée, Lloyd a aimé sa guitare, ses glissandos, sa manière de produire du son avec une grande variété de nuances. Le saxophoniste a souvent croisé des guitaristes. À Memphis, ville dont il est originaire, il a beaucoup fréquenté Calvin Newborn, frère cadet de Phineas, et s’est lié d’amitié avec Al Vescovo, un joueur de pedal steel. Il jouera plus tard avec Gábor Szabó et Robbie Robertson du Band, l’orchestre de Bob Dylan dont il reprend ici Masters of War, son ténor se voyant porté par les nappes sonores des guitares. Il fréquentera aussi Roger McGuinn, le leader des Byrds, groupe qui comme le sien dans les années 60, étalait ses morceaux, longues et féériques explorations modales permettant l’accès des temples du rock.

Plus tard encore, Charles Lloyd engagera le guitariste John Abercrombie pour ciseler ses morceaux (Hymn to the Mother) et les pièces traditionnelles qu'il affectionne. Mais c'est ici Bill Frisell qui se charge de ce travail. Lloyd ne chôme pas. Son saxophone enroule ses notes au vibrato très ample sur la belle mélodie de Shenandoah, un grand classique de la musique folklorique américaine, sur celle de All My Trials, une délicieuse berceuse des Bahamas. Il fait de même dans La Llorona, une vieille chanson mexicaine longuement introduite par les seules guitares. Lloyd la joue dans “Mirror”, un disque ECM de 2010. Car avec ce groupe, The Marvels (Les Prodiges), Charles Lloyd revient sur d’anciennes compositions ou sur des morceaux qu’il a précédemment enregistrés. Joué à la flûte alto, Of Course, Of Course apparaît sur un album Columbia de 1965 et Sombrero Sam, que Lloyd aborde également à la flûte, figure en bonne place dans “Dream Weaver”, un disque Atlantic de 1966. “I Long To See You” renferme aussi une nouvelle version de You Are So Beautiful, un thème de Billy Preston que Joe Cocker immortalisa en 1974. “Lift Every Voice”, l’un des plus beaux albums ECM du saxophoniste le contient. Lloyd le confie ici à Norah Jones qui le chante honorablement. Également invité, Willie Nelson contribue à une bonne version de Last Night I Had the Strangest Dream, chanson antimilitariste qu'Ed McCurdy écrivit en 1950.

Longue pièce improvisée de plus de seize minutes, Barché Lamsel, une prière bouddhiste, conclut l’album. Accompagné par les guitares, Charles Lloyd joue sa partie lente, une alap, au ténor. La rythmique rentre progressivement et avec elle s’amorce l’ahora, la partie ascendante du raga. Lloyd l’introduit à la flûte, improvise sur une échelle de notes dont s’empare la guitare de Frisell. Il repasse au ténor lorsque le rythme accélère. Basse et batterie portent une musique hypnotique et fiévreuse. On songe avec nostalgie aux grandes heures de la musique psychédélique, au Dark Star des Grateful Dead, à The End des Doors, à Eight Miles High des Byrds dont les grandes envolées lyriques continuent à faire rêver.

Charles LLOYD & The MARVELS : “I Long to See You” (Blue Note)
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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 09:37
L'Académie, 60 bougies !

Retour d’Angers, du festival Premiers Plans, des images plein les yeux. Ma mémoire conserve celles de Mehmet dans “Cold of Kalandar, magnifique film turc de Mustafa Kara, du beau visage de Devon Keller, la jeune et émouvante actrice de “Layla in the Sky, du corpulent Fúsi, le héros plein de bonté de “L’histoire du géant timidequi clôtura le festival. Invité à donner une conférence sur le thème Jazz et Cinéma, Gilles Mouellic, professeur d’études cinématographiques à Rennes 2, parvint à rassembler une bonne centaine de personnes, ce qui est encourageant pour le jazz, une musique qui a été le sujet mais aussi la bande-son de nombreux films à voir et à revoir.

L'Académie, 60 bougies !

Il n’existe aucun film sur l’Académie du jazz. Seules des photos ont été prises, au fil du temps, au cours de sa déjà longue existence. Cette vénérable institution fête cette année son soixantième anniversaire. Personne n’avait imaginé que ce collège de journalistes, de photographes, d’amateurs éclairés, serait toujours actif, inféodé à personne, décernant ses prix en toute indépendance. Le plus prestigieux reste le Prix Django Reinhardt attribué chaque année à un musicien français. Huit d’entre eux occuperont la scène du Châtelet le 8 février pour un concert exceptionnel : Eric Le Lann et Airelle Besson (trompettes), Géraldine Laurent, Pierrick Pedron et Stéphane Guillaume (saxophones), René Urtreger (piano), Henri Texier (contrebasse) et Simon Goubert (batterie) joignant leurs talents au sein d’un octette inédit et inattendu. Et pour terminer en beauté cette soirée le Duke Orchestra de Laurent Mignard pour nous faire rêver, jouer Duke Ellington mais aussi accompagner de prestigieux invités : le violoniste Jean-Luc Ponty (il obtint le Prix Django Reinhardt en 1966), le saxophoniste John Surman et le chanteur et guitariste Sanseverino, admirateur fervent et enthousiaste de Django Reinhardt.

Membre de l’Académie du Jazz depuis 1985, j’y ai servi trois présidents. Maurice Cullaz, qui m’y fit entrer, recevait chez lui le collège académique. Les discussions étaient vives, l’équipe restreinte et les prix trop nombreux. Lorsque Claude Carrière en devint président en 1993, il étoffa les effectifs, commença à démarcher les sociétés civiles (SACEM) afin d’obtenir une aide financière et porta les prix décernés à un nombre raisonnable. Nous les votions le plus souvent lors de notre Assemblée Générale annuelle qui se tenait Aux Broches à l’Ancienne, restaurant aujourd’hui disparu de la rue Saint-Nicolas dont nous occupions la cave. Quant aux remises de prix, elles avaient lieu dans les salons de l’hôtel Méridien, au New Morning ou au Petit Journal Montparnasse.

Élu président en 2005, François Lacharme a encore agrandi le collège électoral, trouvé de nouveaux financements extérieurs. L’aide apportée par la SPEDIDAM et l’ADAMI, le mécénat bienveillant de la Fondation BNP Paribas ont permis à l’Académie du Jazz de prendre un nouvel essor, de devenir une institution incontournable du paysage jazzistique. Abritant ces dernières années les remises de prix, le foyer du Châtelet a vu défiler de prestigieux invités et remettants dont le dessinateur Cabu, les comédiens Pierre Richard, Clotilde Courau et Victoria Abril, les cinéastes Jean Becker, Jean-Pierre Mocky et Yves Boisset, la cantatrice Natalie Dessay, les compositeurs Michel Legrand et Vladimir Cosma et le chanteur Michel Delpech. Les jazzmen ont bien sûr été nombreux à y participer. Comment oublier la présence de Ron Carter en janvier 2010, l’émotion de John Taylor lorsqu’il reçut en janvier 2015 le Prix du Jazz Européen, récompense qu’il partagea avec un de ses anciens élèves, le pianiste Michael Wollny. Le Tout-Paris culturel et artistique se presse à ces fêtes, mais pour la première fois, le 8 février prochain, l’Académie du Jazz ouvre les portes de son institution au grand public lors d’une soirée de gala* qui dévoilera son palmarès. Comment pourriez-vous la manquer !

*Places à 40, 25 et 10 euros.

 

D'AUTRES CONCERTS QUI INTERPELLENT

L'Académie, 60 bougies !

-Wynton Marsalis à l’Olympia le 4 février (20h30) avec le Lincoln Center Orchestra. Le trompettiste n’a plus fait de disques sous son nom depuis longtemps. Il préfère enseigner, se consacrer à ce rutilant big band pour lequel il écrit de nouveaux arrangements, confie de nouvelles partitions. Outre les membres de son combo habituel – Walter Blanding (saxophone ténor, clarinette), Dan Nimmer (piano), Carlos Henriquez (contrebasse) et Ali Jackson (batterie), la formation aligne de grands musiciens dans ses rangs. Citons seulement les trompettistes Marcus Printup et Ryan Kisor, les saxophonistes Victor Goines et Ted Nash pour vous mettre l’eau à la bouche et vous faire regretter votre éventuelle absence.

L'Académie, 60 bougies !

-Au Sunset le 9, Nicolas Moreaux présentera les morceaux de son prochain disque. Après “Belleville”, rencontre franco-américaine et musique d'un film imaginaire enregistré avec le saxophoniste Jeremy Udden, le bassiste retrouve la plupart des musiciens qui l’accompagnent dans “Fall Somewhere”, album qui obtint le grand prix du disque de l’Académie Charles Cros en 2013, soit Christophe Panzani (saxophone ténor), Olivier Bogé (saxophone alto), Pierre Perchaud (guitare) Karl Jannuska et Antoine Paganotti (batterie) pour interpréter les compositions réjouissantes d’un contrebassiste inspiré.

L'Académie, 60 bougies !

-Toujours le 9, mais au Sunside, Virginie Teychené chantera de nombreux extraits de son dernier disque “Encore, un opus dans lequel elle interprète avec bonheur chansons françaises (Madame Rêve, Jolie Môme) classiques de la musique brésilienne (Eu Sei Que Vou Te Amar, Doralice) mais aussi quelques standards (But not for Me, Both Sides Now de la grande Joni Mitchell que les amateurs de jazz affectionne) et des compositions personnelles. Virginie Teychené c’est une voix de mezzo-soprano très juste et très belle, une voix troublante qui fait rêver. Pour l’accompagner ses musiciens habituels : Stéphane Bernard au piano, Gérard Maurin à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie.

L'Académie, 60 bougies !

-Le 9 encore, Ambrose Akinmusire investit le New Morning avec les musiciens de son nouveau trio : Mike Aaberg (orgue et claviers) et Thomas Pridgen (batterie). Auteur de trois albums, remarqué pour ses deux enregistrements confiés à Blue Note, “When the Heart Emerges Glistening (2011) et “The Imagined Savior is Far Easy to Paint, deux disques primés par l’Académie du Jazz, le trompettiste aime prendre des risques. Sa musique s’ouvre aux musiques urbaines environnantes, aux rythmes du funk et du hip-hop. Sur scène il improvise, se lance dans de nouvelles explorations musicales, dans un feu d’artifice de notes inattendues qui témoigne de l’excellente santé du jazz américain.

L'Académie, 60 bougies !

-Lancement du festival Jazz & Images au cinéma le Balzac le 12 février (20h30). Une fois par mois un film et un concert seront proposés. Le “Daniel Humair Special Show, un court métrage de Jean-Christophe Averty de 1961 (30 minutes), réunit Sonny Grey (trompette), Louis Fuentes (trombone), Jean-Louis Chautemps et Jackie McLean (saxophones), Eddy Louiss, Henri Renaud, René Urtreger (piano), Guy Pedersen (contrebasse) et Daniel à la batterie, ce dernier s’entretenant également avec le journaliste Raymond Mouly. Après sa projection, accompagné par Vincent Lê Quang au saxophone et Stéphane Kerecki à la contrebasse, Daniel Humair jouera un jazz moderne ouvert et inventif réservant bien des surprises.

L'Académie, 60 bougies !

-Les pianistes Bruno Angelini et Stephan Oliva se succèderont le 12 sur la scène du Pannonica, le club de jazz nantais (9, rue Basse Porte), pour rendre hommage au 7ème Art. Dans “Leone Alonerécemment publié sur Illusions (www.illusionsmusic.fr), Bruno Angelini revisite les musiques qu’Ennio Morricone composa pour “Giu La Testa” (“Il était une fois la révolution”) et “Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo” (“Le bon, la brute et le truand”), deux films de Sergio Leone dont il parvient à poétiser les images, les plongeant dans des improvisations colorées et minimalistes, la musique prenant le temps de respirer, de se répandre et envoûter.

L'Académie, 60 bougies !

-Au programme du concert de Stephan Oliva le même soir, “Vaguement Godard, dernier volet de sa trilogie consacrée au cinéma, un disque dans lequel le pianiste repense en solo les principaux thèmes de ses films, des musiques de Michel Legrand, Antoine Duhamel, Paul Misraki, Martial Solal (le célèbre “A Bout de Souffle”), Georges Delerue et quelques autres. Ces partitions, Stephan les décline en noir et blanc, utilise les graves de son clavier, suscite tensions et dissonances. Des notes plus claires, des bribes de mélodies lumineuses survenant au sein d’une discontinuité narrative écartent les ombres et le noir de la nuit.

L'Académie, 60 bougies !

-Le 13 à 19h30, Henri Texier fête au Café de la Danse la sortie d’un nouvel album “Sky Dancers”, le nom que se donnaient les Amérindiens qui construisirent les gratte-ciel des grandes villes de l’est américain et qui ignoraient le vertige. Henri a réuni autour de lui Sébastien Texier (saxophone alto et clarinettes), François Corneloup (saxophone baryton), Louis Moutin à la batterie, mais aussi Armel Dupas (piano et claviers) et Nguyên Lê (guitare) qui n’ont jamais été membres de ses orchestres. Avec eux, le bassiste a imaginé de nouvelles musiques qui furent créées l’an dernier dans plusieurs festivals de l’hexagone.

L'Académie, 60 bougies !

-Également le 13, Stefano Bollani donne un concert en solo à la Cité de la Musique (Philharmonie 2 à 20h30). L’exercice n’effraie nullement le pianiste qui a déjà enregistré plusieurs albums en solitaire (“Småt Småt” pour Label Bleu en 2003, “Piano Solo” pour ECM en 2005), aime le risque et est habitué à travailler sans filet. Musicien impétueux, il sait aussi se montrer lyrique, faire chanter son piano, improviser avec vélocité mais également jouer des phrases tendres et délicates, laisser respirer la phrase musicale dans une perspective mélodique. S’il n‘abuse pas de sa virtuosité et canalise son énergie, c’est un pianiste inoubliable qui met tout le monde d’accord.

L'Académie, 60 bougies !

-Chanteuse franco-américaine à découvrir dans un répertoire folk-jazz de qualité, Kay Bourgine s’invite au Sunside le 16. Originaire de Boston, elle danse, compose (son Irresistible Desire est très réussi), a parcouru la planète comme modèle, joué dans des films et au théâtre. Kay chante Tom Waits, Suzanne Vega. De Joni Mitchell, elle reprend River, A Case of You ; de James Taylor You Can Close Your Eyes ; de Paul Simon Fifty Ways to Leave your Lover, toutes des grandes chansons. Matthis Pascaud, un bon guitariste, assure les chorus. Matthieu Bloch à la contrebasse et David Georgelet à la batterie complètent sa formation.

L'Académie, 60 bougies !

-Saxophoniste étonnant, Baptiste Herbin sort un nouvel album, son second après “Brother Stoon en 2012, et en fête la sortie au Sunside les 19 et 20 février. “Interferences(Just Looking Productions) réunit une équipe de fines lames qui ne seront pas tous présents à ces concerts. Sylvain Gontard remplacera Renaud Gensane à la trompette et Geraud Portal tiendra la contrebasse à la place de Sylvain Romano. Présents sur le disque, Maxime Fougères (guitare) et Benjamin Henocq (batterie) complèteront la formation d’un alto surdoué qu’il faut découvrir sur scène, Baptiste surchauffant les salles dans lesquelles il se produit. Le compositeur est encore un peu vert, mais il affectionne les standards, reprend des thèmes par trop oubliés et électrise par son talent.

L'Académie, 60 bougies !

-Sideman très demandé, Xavier Desandre Navarre publiait en 2014 “In-Pulse” (Jazz Village), un premier disque sous son nom qui réunissait ses amis musiciens parmi lesquels Stéphane Guillaume (saxophone, flutes, clarinette basse), Emil Spanyi (piano) et Stéphane Kerecki (contrebasse). Ils seront avec lui, au Duc des Lombards le 22 pour servir les mélodies du batteur / percussionniste. Ses souvenirs de voyage, ses rencontres lui ont inspiré des musiques colorées et joyeuses qu’il nous propose de partager.

L'Académie, 60 bougies !

-Le 25 et le 26 le Sunside accueille le bassiste Mauro Gargano qui sort un nouveau disque, un hommage au boxeur franco-sénégalais Battling Siki, premier champion du monde africain de ce sport. Pour ces concerts, la scène du Sunside se transformera en ring pour abriter les participants de ce projet, Jason Palmer (trompette), Ricardo Izquierdo (saxophones ténor et soprano), Manu Codjia (guitare), Bruno Ruder (piano) et Jeff Ballard (batterie), Mauro Gargano assurant bien sûr la contrebasse. Découpé en six rounds, “Suite for Battling Siki” (Gaya) suit le boxeur dans les villes où s’est déroulée son histoire, dans lesquelles se sont déroulés les matchs qui l’ont rendu célèbre, la musique, tout en rythmes et mélodies croisées, chantant l’énergie, le courage d’un champion.

L'Académie, 60 bougies !

-Le « Pianoless quartet » de Diego Imbert attendu au Sunside le 27. Quentin Ghomari remplace Alex Tassel au bugle au sein d’une formation qui depuis 2007 a enregistré trois albums. Les autres musiciens sont David El-Malek au saxophone ténor, Diego Imbert à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie. Les compositions ouvertes du bassiste leur offrent de grands espaces de liberté. Saxophone ténor et bugle improvisent, échangent avec une remarquable fluidité. Garante du tempo, la contrebasse préfère arbitrer les conversations des solistes que se mettre en avant. Étroitement liée à la batterie de Franck Agulhon, elle reste la clé de voûte de cette musique généreuse.

L'Académie, 60 bougies !

-Antoine Hervé au Petit Journal Montparnasse le 1er mars (à 21h30). Avec François Moutin (contrebasse) et Philippe « Pipon » Garcia (batterie) qui l’accompagnent dans “Complètement Stones” (RV Productions), un disque de 2015 consacré au répertoire des Rolling Stones, à leurs chansons des années 60 et 70, dont ils joueront le répertoire, Antoine et ses complices jazzifiant avec bonheur leur rock’n’roll, le plongeant dans le blues et le rhythm’ n’ blues. L’album est aussi un hommage à Jean-Pierre, son frère aîné. Grâce à lui, naguère, il joua avec les Stones, un grand moment qu'il n'a jamais oublié.

-Théâtre du Châtelet : www.chatelet-theatre.com

-Olympia : www.olympiahall.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Le Balzac : www.cinemabalzac.com

-Pannonica : www.pannonica.com

-Café de la Danse : www.cafedeladanse.com

-Cité de la Musique - Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

 

Crédits Photos : Wynton Marsalis © Rob Waymen – Nicolas Moreaux, Ambrose Akinmusire, Xavier Desandre Navarre, Antoine Hervé © Philippe Marchin – Virginie Teychené © Thomas Dorn – Daniel Humair, Bruno Angelini, Diego Imbert © Pierre de Chocqueuse – Henri Texier Band © Sylvain Gripoix – Stefano Bollani © Valentina Cenni – Kay Bourgine © Olivier de Fresnoye – Baptiste Herbin © Alexandre Lacombe – Mauro Gargano © Davide Del Giudice – Stephan Oliva © Photo X/D.R.

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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 08:18
Sorties tardives

Publiés peu avant les fêtes, ces deux albums n’ont pas bénéficié de chroniques. Le manque de temps, la mise en sommeil de ce blog en ont retardé l’écriture. Heureusement pour eux, peu de disques paraissent en janvier. Je peux donc vous en livrer mes commentaires enthousiastes.

Frédéric BOREY : “Wink” (Fresh Sound New Talent / Socadisc)

Sorties tardives

C’est en 2012 que j’ai découvert Frédéric Borey, l’année de son installation à Paris. Originaire de Belfort, professeur de saxophone à Bordeaux, il avait déjà enregistré plusieurs albums, lorsque “The Option” (Fresh Sound New Talent) parvint à mes oreilles. Je repérai un compositeur habile, un saxophoniste maîtrisant parfaitement ses instruments (ténor, soprano et alto). Dans “Wink”, point de compositions originales, mais un réel travail d’arrangeur, un souci constant de la forme dont bénéficient les standards, parfois méconnaissables, qu’il reprend, des œuvres de George Gershwin, Cole Porter (Get Out of Town), Bill Evans (Blue in Green) et quelques autres. Le guitariste Michael Felberbaum et le pianiste Leonardo Montana se partagent des chorus, mais c’est surtout le saxophone (ténor exclusivement), parfois doublé par la guitare dans l’exposition des thèmes, qui enthousiasme. Frédéric utilise des anches très dures, et joue sur un vieux Selmer de 1940. Est-ce l’écoute attentive de Joe Henderson, Stan Getz et Dexter Gordon qui a modelé sa sonorité ? J’aime le son suave et moelleux, doucettement mélancolique qu’il fait entendre dans Witchcraft, celui lyrique à souhait de sa relecture de My Man’s Gone Now. Affectionnant les tempos lents et médiums, il possède avec Yoni Zelnik à la contrebasse et Fred Pasqua à la batterie une section rythmique capable de swinguer efficacement. Elle le fait avec bonheur dans Our Love is Here to Stay et dans une reprise tonique de Boplicity. Négligeant les standards, les jazzmen se croient aujourd’hui obligés de remplir leurs albums de leurs compositions. Frédéric Borey fait ici le contraire et on ne peut que l’applaudir.

Enrico PIERANUNZI : “Proximity” (Cam Jazz / Harmonia Mundi)

Sorties tardives

Après deux albums en trio avec Scott Colley (contrebasse) et Antonio Sanchez (batterie) et un beau disque en duo avec le guitariste Federico Casagrande en 2015 (“Double Circle”), Enrico Pieranunzi change de partenaires et enregistre sans batteur avec un quartette américain. Deux souffleurs, Ralph Alessi à la trompette, au cornet et au bugle et Donny McCaslin aux saxophones ténor et soprano et la contrebasse, l’accompagnent. La contrebasse de Matt Penman s’ajoute à la formation pour assurer quelques chorus mélodiques, structurer une musique rythmiquement très libre. L’album s’ouvre sur un morceau particulièrement chantant dont le pianiste romain détient le secret. Dédié à Lee Konitz, un thème de bop tristanien introduit Sundays et sa mélodie aérienne que les musiciens reprennent à tour de rôle, Enrico sortant de son piano des notes trempées de miel. Il fait de même dans Within the House of Night, un thème exquis que déclinent avec tendresse le ténor et le bugle. Jouée au piano, une mélodie très simple et très belle accompagne leur dialogue. Mais avec eux, le pianiste renouvelle aussi son répertoire. Si les ballades sont nombreuses, les morceaux de bravoure le sont également dans la seconde partie du disque. Avec Proximity une composition de forme choral, les quatre hommes prennent des risques, plongent la musique dans un grand bain de dissonances. Le Maestro étonne par sa virtuosité espiègle dans Simul, un duo avec la trompette d’Alessi dont il assure la cadence. Five Plus Five qui conclut l’album ressemble à un thème d’Ornette Coleman. Sa ritournelle suffit à inspirer aux musiciens des improvisations abstraites mais toujours cohérentes.

Photo Frédéric Borey © Gildas Boclé

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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 09:47
Paul Bley, le moissonneur de jazz

Janvier : comment oublier qu’il y a un an déjà, des assassins ôtaient la vie à dix-sept personnes. Parmi-elles, Cabu régulièrement invité à la remise des Prix de l’Académie du Jazz, Cabu auquel cette même académie, quelques jours après sa mort, rendit un vibrant et sincère hommage. Si une année moins sanglante reste à souhaiter, 2016 commence plutôt mal avec l’annonce des décès de Michel Delpech (qui remit en janvier 2012 le très convoité Prix Django Reinhardt au guitariste Nguyên Lê), Natalie Cole, Paul Bley, Pierre Boulez et David Bowie.

 

C’est toutefois la disparition de Paul Bley le 3 janvier à l’âge de 83 ans qui interpelle l’amateur de jazz et l’amoureux de piano que je suis. Après Paul Motian, Charlie Haden, John Taylor, tous disparus il n’y a pas bien longtemps, c’est au tour de Paul Bley de tirer sa révérence, comme si une génération entière de jazzmen, celle qui a fait apprécier le jazz à la mienne, quittait la scène. Paul Bley, je l’ai découvert tardivement avec “Open, to Love”, l’un des premiers disques du catalogue ECM. Vint ma rencontre avec le trio que le pianiste partagea un temps avec Jimmy Giuffre et Steve Swallow. J’étais trop jeune en 1961 pour écouter leur groupe. Le disque m’en offrit l’opportunité à la fin des années 70, lorsque je mis la main sur des importations japonaises de “Fusion” et de “Thesis” (merci Daniel Richard), deux albums qu’ECM réédita plus tard en CD.

 

Je fis la connaissance de Paul Bley dans les années 80 alors que je rééditais le catalogue Vanguard chez Fnac Music Production. Le pianiste débarqua un après-midi sans rendez-vous à mon bureau, rue du Cherche-Midi, cherchant un distributeur pour IAI (Improvising Artists Incorporated), sa compagnie de disques, un catalogue riche de nombreuses bandes inédites, des enregistrements de sa propre musique qu’il peinait à voir publier. Tâche impossible pour une petite structure frileuse et désargentée qu‘était alors le département disque de la Fnac. Nous nous quittâmes avec regret, sur une chaleureuse poignée de main, pour nous retrouver au festival de jazz de Montréal, sa ville natale, en juillet 1989, lors d’un concert en trio de Charlie Haden dont Paul Motian était le batteur.

 

En pleine possession de son art, jouant comme personne des notes rêveuses et tendres qui souriaient au silence, mais peignant aussi des paysages abstraits abritant des accords martelés et sombres, Paul Bley, né le 10 novembre 1932, faisait chanter et respirer la musique en poète. C’est à l’initiative de Jean-Jacques Pussiau qu’il enregistra ses grands disques solo des années 90, “Homage to Carla” pour OWL Records en 1992, puis un des volumes du coffret “Jazz’n’(E)motion” pour BMG en 1997, le pianiste reprenant avec génie (le mot n’est pas trop fort) une poignée de standards associés à des films, une merveille enregistrée en deux petites heures. Il n’avait pas oublié le jazz de ses jeunes années, ses dialogues pianistiques avec Bill Evans dans “Jazz in the Space Age”, un disque de George Russell, sa séance de 1963 avec Coleman Hawkins et Sonny Rollins, l’incontournable “Sonny Meets Hawk !”. Il joue d’ailleurs Pent-Up House de Rollins dans “Play Blue”, un enregistrement live et en solo de 2008, son dernier publié, un monument ! Deux ans plus tard, il donnait, fatigué mais en état de grâce, son dernier concert à Paris à la Cité de la Musique.

 

C’est une autre salle parisienne qui accueillera le 8 février prochain l’Académie du Jazz. Cette vénérable institution soufflera avec tambours et trompettes ses soixante bougies lors d’un concert exceptionnel donné dans la grande salle du théâtre du Châtelet. Cette soirée ouverte au public rassemblera des lauréats du Prix Django Reinhardt au sein d’un octette, puis le Duke Orchestra sous la direction de Laurent Mignard accueillera des invités prestigieux, Jean-Luc Ponty et John Surman notamment. Les Prix 2015 y seront dévoilés. Mon édito de février sera bien sûr consacré à l’événement. Merci de ne pas l’oublier.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT   

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-René Urtreger au Duc des Lombards le 18 et le 20 (deux concerts par soir à 19h30 et 21h30) dans le cadre du festival « French Quarter ! » dont il est le parrain. Avec lui, les membres de son trio habituel, Yves Torchinsky à la contrebasse et Eric Dervieu à la batterie. On a pu juger de la grande forme du pianiste au Sunset l’été dernier. En pleine possession de ses moyens, René ne cesse de surprendre par la jeunesse et la tonicité de son piano. Pianiste d’un octette rassemblant des lauréats du Prix Django Reinhardt, il sera sur la scène du théâtre du Châtelet le 8 février pour fêter le 60ème anniversaire de l’Académie du Jazz.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-Antonio Faraò au Sunside les 22 et 23 janvier avec Olivier Temime (saxophone ténor), Sylvain Romano (contrebasse) et Laurent Robin (batterie). Le pianiste nous a offert un des bons disques de 2015. Enregistré avec ses musiciens italiens, “Boundaries” (Verve / Universal) séduit par un jazz souvent modal qui évoque parfois le second quintette de Miles Davis, lorsque Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams inventaient avec lui sa musique. Antonio Faraò possède un beau toucher. Son phrasé est fluide, élégant. S’il peut se montrer énergique, attaquer ses notes avec agressivité, donner swing et intensité à ses notes, il aime harmoniser les morceaux qu’il interprète, mettre en valeur leur ligne mélodique qu’il se plaît à fêter.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-Le 26 janvier au New Morning, le bassiste Michel Benita présentera “River Silver son nouvel enregistrement ECM, une suite de paysages, une musique atmosphérique à l’instrumentation insolite. Michel nous y a habitué. Rassemblant Mieko Miyazaki au koto, Matthieu Michel au bugle, Eivind Aarset à la guitare et Philippe Garcia aux percussions, son groupe Ethics emprunte au jazz certaines sonorités mais point la musique, le groupe préférant inventer la sienne, planante et onirique. Après un précédent disque sur Zig Zag Territoires en 2010, cette formation pas comme les autres confirme qu’elle fait partie des grandes.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-Manuel Rocheman en trio au Sunside le 27 avec Mathias Allamane à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie, musiciens avec lesquels il a enregistré en 2009 “The Touch of Your Lips, un hommage à Bill Evans dont l’écoute a transformé sa musique, Manuel tempérant sa virtuosité, laissant parler son cœur dans des lignes mélodiques aux couleurs chatoyantes, sa technique se faisant oublier derrière la fluidité du langage pianistique. Un nouvel album est prévu avec eux en avril sur Bonsaï Music. Intitulé “misTeRIO, il renferme de nouvelles compositions que les amateurs du pianiste auront la primeur d’écouter au Sunside.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-À l’occasion de la sortie de “What Was Said”, un disque enregistré à Oslo en avril 2015 pour ECM, le pianiste Tord Gustavsen retrouve le Sunside pour quatre concerts exceptionnels le 30 et le 31 (20h00 et 22h00 le samedi ; 18h00 et 20h30 le dimanche). Consacré à la musique liturgique norvégienne qui depuis toujours nourrit sa musique, ce nouveau projet le voit associé à Simin Tander, une chanteuse afghano-allemande, et à Jarle Vespestad, son batteur habituel. B. Hamsaaya, un poète afghan, a collaboré aux textes que l’on doit également au mystique persan Jalal al-Din Rumi et au poète américain Kenneth Rexroth. Des textes que Simin Tander chante aussi en anglais. Si la musique de l’album n’est pas vraiment du jazz, les admirateurs de Tord Gustavsen retrouveront son piano contemplatif et inspiré, ses notes peu nombreuses dont le pouvoir de séduction reste plus grand que jamais.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

 

Crédits Photos : Paul Bley © photo X/D.R.René Urtreger © Philippe Marchin – Antonio Faraò © Andrea Boccalini – Michel Benita Ethics © Dániel Vass / ECM Records – Manuel Rocheman Trio © Karine Mahiout – Jarle Vespestad, Simin Tander, Tord Gustavsen © Hans Fredrick Asbjørnsen.

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