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21 novembre 2009 6 21 /11 /novembre /2009 14:28
Un soir au club“ est d’abord un roman de Christian Gailly publié aux Editions de Minuit en 2002, un livre rythmé par le jazz présent dans toutes ses pages. Nardis, le nom du personnage central du récit est un thème que Miles Davis composa pour Cannonball Adderley en 1958. Bill Evans le jouait souvent. Lauréat du Prix du Livre Inter, le roman trouva vite un public séduit par la rencontre inattendue de Simon et Debbie, une histoire d’amour qui bouleverse leur vie.

Fort de 170.000 exemplaires vendus, le livre devient aujourd’hui un film, un premier long-métrage pour Jean Achache qui fut l’assistant de Georges Lautner, Robert Enrico (“Le vieux fusil“), Bertrand Tavernier (sur “Un Dimanche à la campagne“ et “Un coup de torchon“) et qui a signé de très nombreux documentaires. Le réalisateur s’est enthousiasmé pour le livre et ses personnages : « Ils se sont installés dans ma vie, dans mon quotidien. Ils ont pris leur place au milieu de mes obsessions, de mes désirs, de mes amis. Ils n’étaient plus les personnages d’un roman beau et captivant, ils étaient trois personnes qui vivaient près de moi et dont j’avais entrepris de raconter l’histoire. » 

Lors d’un déplacement en province, Simon Nardis, célèbre pianiste qui s’est écarté de la scène du jazz pour raison d’alcoolisme, franchit les portes d’un club. Une envie irrésistible de se mettre au piano, des verres de vodka, la voix de Debbie la propriétaire du lieu qui l’accompagne, Simon se laisse emporter. Sa passion pour le jazz, l’alcool, l’ivresse amoureuse, ce qui constituait son ancienne vie le rattrape.

Enregistré live et confié à Michel Benita, le jazz y tient une place très importante. Recrutés lors d’une audition à Brest, Gaetan Nicot (piano), Xavier Lugué (contrebasse) et Marc Delouya (batterie), le trio du club, improvisent sur des compositions de Michel. Ce dernier a également écrit plusieurs chansons pour Elise Caron qui tient le rôle de Debbie. Chanté par Elise, Whispering, le très beau générique fin de l’album devient The Sound of Memory. Thierry Hancisse est Simon Nardis. Ce n’est pas lui que l’on entend au piano mais Antoine Hervé. L’acteur pose ses doigts sur les notes retranscrites par Antoine et donne vraiment l’impression que c’est lui qui les joue. Amoureux du livre, Jean Achache en livre une adaptation fidèle. Son film conserve l’aspect envoûtant de ses pages et les deux actrices (Elise Caron et Marilyne Canto) sont parfaites. Le choix de Thierry Hancisse est plus contestable. L’acteur joue un musicien moins sympathique que celui du roman. Le film est surtout porté par les deux femmes. Elles lui donnent sa crédibilité et le rendent attachant. Séduit par le charme qu’il distille et persiste longtemps après sa vision, j’ai contacté Elise Caron qui répond ici à mes questions.

Elise, avais-tu lu “Un soir au club“ avant que Jean Achache te propose le rôle de Debbie ?

-Je n’avais pas lu le livre. C’est Michel Benita qui a pensé à moi pour le rôle. Il m’a mis en contact avec Jean. J’avais rencontré Michel à la Réunion en 1988. Il donnait une série de concerts avec Andy Emler, François Jeanneau et Joël Allouche et j’étais en vacances. Andy animait un stage de jazz et j’y ai participé. Nous sommes restés ensemble trois semaines et nous nous sommes très bien entendus.

Qu’est-ce qui t’a séduit dans le personnage de Debbie ?

-Ce quelque chose de légèrement sulfureux qu’elle possède sans en avoir l’air. Ce n’est pas une femme froide et calculatrice. Elle profite des situations, mais tombe quand même amoureuse ; elle provoque, mais elle est prise à son propre piège. Dans une scène supprimée, elle explique qu’avant de rencontrer Simon, elle pouvait avoir des aventures avec des musiciens de passage. Mais avec Simon, il ne se passe pas la même chose. Elle est admirative. Je n’ai donc pas eu besoin d’insister sur le côté provoquant du personnage. Un grand trouble réciproque saisit au même moment ces deux êtres qui vivent une rencontre exceptionnelle.

Comment s’est effectué le tournage ? Quels souvenirs en gardes-tu ?

-Le tournage a duré un peu plus d’un mois, une petite semaine à Paris et le reste à Brest. Le temps était très mauvais. Il faisait froid. La ville dégage une atmosphère particulière que le film traduit bien. Il n’y a pas grand monde dans les rues. Elles sont très larges et le vent s’y engouffre. Le film a été tourné dans un club mythique, l’Espace Vauban. Nous y sommes restés une semaine entière. La toute dernière scène du film, celle dans laquelle Debbie se rend au club et découvre Simon au piano, est la dernière qui a été tournée au Vauban. Ça a été un moment fort, très chargé sur un plan émotionnel, une scène qui a eu des répercussions sur la suite du tournage, qui ancre l’esprit du film. Nous avons eu une journée pour répéter la musique et tout a été filmé en direct. Les prises devaient être bonnes à la fois pour l’image et le son. La musique commandait. Je n’ai pas trop l’habitude de chanter des standards de jazz. Il fallait les chanter avec un maximum de naturel tout en surveillant constamment ses expressions et ses gestes à cause de la caméra.

Tu as même composé un petit morceau de musique, un Haïku…

-Il y avait un piano dans l’appartement qu’occupe Debbie et je voulais faire un truc un peu mystérieux, jouer une courte pièce. J’ai proposé un de mes morceaux. Ayant l’intention d’en écrire d’autres, je l’ai intitulé Haïku 1. J’ai dans l’idée d’en faire plus tard une chanson. D’un autre côté, composer reste pour moi difficile. Je suis très lente. Je n’ai jamais suivi de cours d’harmonie, de composition. Je fais tout à l’oreille. Je pianote et, parfois après des heures, il en sort quelque chose, une mélodie sur laquelle il va me falloir trouver des paroles.

As-tu eu du mal à rentrer dans la peau de ton personnage ?

-A force de tourner des scènes les unes après les autres, on arrive à imaginer et à devenir le personnage. Cela se passe petit à petit. Une des scènes culminantes du film est celle qui se déroule sur la plage, une scène d’amour très pudique qui a été plutôt drôle à tourner. Certaines scènes intermédiaires ont été plus difficiles à jouer. Je ne savais pas ce que je devais ressentir à ces moments-là, je n’avais pas d’avis. Après les avoir tournées, je me suis rendue compte que je ne les avais pas maîtrisées, qu’elles m’avaient échappées. Peut-être par inexpérience, car cela faisait longtemps que je n’avais pas joué un rôle aussi important au cinéma. Je me sens plus à l’aise avec le théâtre. On profite jour après jour de son travail, de ce que l’on a fait la veille et les jours précédents. Une expérience théâtrale est pour moi apaisante. On se sent beaucoup plus légère. On dispose de davantage de temps pour répéter. Le cinéma est un autre travail. Il demande un regard encore plus aiguisé sur soi-même. Un film est définitif. L’image fige le moindre faux-pas. Sa dimension macroscopique oblige à rentrer davantage dans les détails, à toujours garder un œil sur soi.

“Un soir au club“ de Jean Achache. Scénario : Guy Zilberstein et Jean Achache. Avec Thierry Hancisse, Elise Caron et Marilyne Canto. Durée : 88 minutes. Musique : Michel Benita. Durée : 88 minutes. Sortie le 18 novembre. La B.O. du film est également disponible (Le chant du Monde/harmonia Mundi).
Photos X/DR
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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 11:32

JEUDI 29 octobre

Sonny Rollins à l’Olympia : une salle comble pour l’un des plus célèbres saxophonistes de la planète jazz, un colosse de soixante-dix-neuf ans toujours capable d’enthousiasmer son public par l’intensité de ses concerts. Un peu voûté, Theodore Walter Rollins peine à traverser la vaste scène et gagner la place qui lui est assignée. Son instrument embouché, l’homme se redresse pour souffler à pleins poumons un torrent de notes festives et colorées. Rollins a lancé un thème riff dont il suit et ornemente la ligne mélodique. Clifton Anderson au trombone et Bobby Bloom à la guitare ajoutent des ponctuations, mais Rollins reste le boss et affirme son autorité. Veste blanche, chemise et pantalon noir, il capte les regards, monopolise l’attention et envoûte dès le premier thème dont il est le seul soliste. Une ballade abordée sur tempo medium lui offre une nouvelle occasion de faire chanter son ténor. Le trombone assure les contre-chants. La guitare s’offre un chorus, puis le trombone, Rollins n’arrêtant pas pour autant de souffler. Dans Somewhere, un extrait du “West Side Story“ de Leonard Bernstein, Rollins fatigue un peu et laisse la guitare s’envoler après l’exposition du thème. Il récupère grâce à la complicité de Kobie Watkins son batteur, véritable métronome garant du tempo avec lequel il dialogue, échange dans lequel s’invite Victor Y.See Yuen aux percussions. Les deux hommes se parlent, se répondent sous l’égide d’un saxophone qui commente et relance. La section rythmique tourne alors à plein régime (Bob Cranshaw toujours impérial à la basse électrique ajoute de l’épaisseur à la musique) et Rollins attaque un morceau rapide dans lequel s’instaure une longue conversation avec son tromboniste. Une magnifique version de Over the Rainbow lui permet de récupérer. Ses musiciens improvisent à tour de rôle, Rollins reprenant le thème avec Clifton Anderson pour le conclure. Après vingt minutes d’entracte, le saxophoniste ragaillardi s’offre un immense chorus et pousse son batteur à répondre à ses phrases chantantes, à une sonorité resserrée par le poids des ans, mais toujours généreuse. Arc bouté sur son ténor, à l’extrême bord de la scène, il s’offre une valse et un bain de lyrisme. Le trombone lui fournit un léger contrepoint, mais Rollins garde de bout en bout le contrôle du morceau. Même chose, pendant toute la durée du rappel, un calypso brûlant. Rollins affectionne le genre. La famille de sa mère est originaire des îles Vierges et il en joue un à chaque concert, occasion de danser et de faire danser, d’aller jusqu’au bout de lui-même.

JEUDI 5 novembre

Séduit par l’écoute de “Starbound“, premier enregistrement sur Pirouet du saxophoniste belge Robin Verheyen, j’assiste au concert que ce dernier donne au Duc des Lombards avec les musiciens qui jouent sur son album. Bill Carrothers, Nicholas Thys et Dré Pallemaerts ne se contentent pas de l’accompagner. Ils forment un véritable groupe et enrichissent avec classe et personnalité la musique par des improvisations brillantes, des rythmes d’une grande souplesse. Agé de 26 ans, le saxophoniste séduit également par la beauté étrange de ses compositions, des pièces dans lesquelles il propose de véritables thèmes. Robin Verheyen passa un an à Paris avant de s’installer à New York en 2007. Avec le Belfin Quartet, groupe de musiciens finlandais et belges, il gagnait en 2006 le prix de la meilleure composition au Festival de la Défense. Peu de monde au Duc pour découvrir le contenu d’un album attachant, des morceaux oniriques aux harmonies flottantes qui conviennent bien au piano intimiste de Carrothers. Ce dernier nous fait voir le bleu du ciel dans The Flight of the Eagle, belle pièce dédiée à Krisnamurti. S’adaptant à toutes les situations, Bill joue des accords étranges, des notes inattendues. Discombobulated (qui se désagrège), un morceau de sa plume, mais aussi le thème chantant d’On the House, presque un gimmick, lui fait jouer de beaux voicings dans lesquels des accords de bop sont enrichis de dissonances inhabituelles. Abordé sur tempo rapide, On the House offre aussi de belles envolées de saxophone. Robin Verheyen joue surtout du soprano, en tire un son suave et velouté. Robin utilise aussi le saxophone ténor et c’est sur cet instrument qu’il aborde la pièce maîtresse de son nouveau disque, le troublant Lament pièce largement interactive et modale qui fourmille d’idées mélodiques et permet à la section rythmique de travailler tout en finesse.

LUNDI 9 novembre

On attendait le trio DAG (Sophia Domancich, Jean-Jacques Avenel, Simon Goubert). Avenel indisponible, c’est le quartette de Simon, avec Michel Zenino à la contrebasse et Boris Blanchet aux saxophones ténor et soprano, et bien sûr Sophia au piano qui occupe le Sunside pour d’autres sensations, une musique dans laquelle un piano rêveur et souvent minimaliste trouve sur sa route un ténor puissant et volubile, musique de contrastes dans laquelle l’imprévu a sa place. Boris Blanchet tire de son ténor des notes suaves et brûlantes et pimente un jazz souvent modal ouvert aux dissonances que le piano aère. Sophia Domancich prend des chorus brillants et inventifs. Parfaitement équilibrées, ses phrases chantent et respirent. Le piano accompagne, envoûte par un ostinato hypnotique. La rythmique encadre avec fluidité et souplesse, peut doubler brusquement un tempo, jouer ternaire ou déployer une entière liberté métrique. La solide contrebasse de Michel Zenino brode subtilement les lignes mélodiques de Question de temps. Simon Goubert fouette ses cymbales dans Geo Rose, un thème de Tony Williams. Ses partenaires mènent ailleurs ses belles compositions (Marvin et Diana), les colorent, imaginent les nouvelles notes d’une musique ouverte qui ne manque pas de panache.

MARDI 10 novembre

Nantes : David Murray au Grand T avec un groupe de dix musiciens cubains pour faire revivre Nat King Cole, ses albums en espagnol qui firent connaître le chanteur dans tous les pays de culture hispanique. Les concerts prévus en Espagne et en Italie annulés pour des raisons budgétaires, les cordes et le chanteur initialement prévus manquant à l’appel, David Murray a donc confié le répertoire de Cole aux instruments mélodiques de sa formation. Trombone (Denis Cuni), saxophones (Roman Filiu à l’alto et Ariel Bringuez au ténor) et l’un des deux trompettes (Silverio Puentes Avila ou Dennis Hernandez Hernandez) assurent souvent les riffs. David Murray donne à tous ses musiciens la possibilité de s’exprimer en solo. Il dispose d’un excellent pianiste, Ivan Gonzalez Lewis pour jouer des voicings aux harmonies colorées et parfois dissonantes et d’une solide section rythmique. Aux congas, Yusnier Sanchez Bustamente fait merveille. A la batterie, Georvis Pico Milian assure brillamment le tempo. A la contrebasse, Reinier Elizarde étonne par la richesse de ses lignes mélodiques. Très directif, Murray ne parvient pas toujours à éviter les ensembles de flotter. Ses musiciens n’ont guère eu le temps de répéter les morceaux et leur jeu collectif manque parfois de précision. Ils jouent toutefois avec beaucoup de cœur une musique festive et généreuse. David Murray véhicule toute l’histoire du jazz dans son saxophone. Que ce soit au ténor ou à la clarinette basse, il attaque ses notes avec véhémence et utilise tout le registre de ses instruments. Il peut gronder comme l’orage ou souffler du miel, jouer des phrases chaudes et sensuelles qui s’enroulent autour des mélodies ou éructer des dissonances. Musicien complet, il nous offre en quartette une superbe version de No Me Platiques, l’orchestre terminant sa prestation sur le très beau Aqui Se Habla en Amor. Un rappel : Quizas, Quizas, Quizas acclamé par un public rien de moins qu’enthousiaste.
Photos © Pierre de Chocqueuse
  
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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 11:53

Il y a presque un an, le 18 novembre 2008, Christophe Marguet, Joachim Kühn, Christophe Monniot et Sébastien Boisseau (placé dans cet ordre, la première lettre de leur nom de famille forme l’acronyme MKMB), donnaient un concert mémorable à Nantes, au Grand T, dont j’ai parlé dans les pages de ce blog. Je découvris une musique ouverte, changeante, énergique, d’une grande finesse harmonique, très solide et imaginative sur le plan du rythme. Le quartette s’était produit quatre ans plus tôt en septembre 2004 à l’initiative de Christophe Marguet et n’avait plus guère trouvé le temps de se réunir. Les quatre hommes se retrouvèrent en mai au Studio La Buissonne pour enregistrer ce disque, leur premier, recueil de huit compositions (bénéficiant d’une longue introduction de piano, White Widow occupe deux plages) parfois anciennes, toutes retravaillées, approchées sous l’angle de l’instrumentation que propose leur quartette. Joachim Kühn reste le compositeur le plus prolixe de cette formation sans leader. Méhariste sensible aux musiques africaines et du Maghreb, il nous entraîne dans le désert saharien avec Dahin (écrit pour le trio Kalimba) et Sata, titre inédit débouchant sur une longue improvisation modale scandée par les tambours de Marguet, mélopée développée par l’alto de Christophe Monniot dont les chorus souvent brûlants donnent du piment à la musique. Le saxophoniste confie au groupe son Have You Met Mystic, écrit pour un album que la Campagnie des Musiques à Ouïr réalisa avec le guitariste Gábor Gadó. Musicien raffiné, Kühn y excelle au piano. Il personnalise chaque accord par un toucher ferme et sensuel, joue de longs voicings plein de notes bleues qu’accompagne une section rythmique toujours en éveil. Sébastien Boisseau pose son imposante contrebasse sur la musique, fait entendre une voix mélodique souple et vive. Ecrit pour le Baby Boom de Daniel Humair dont il est le bassiste, Wanbli la met en valeur, mais aussi Ballet, un des deux titres de Christophe Marguet (le second est Song for Bacon), compositions ouvertes inspirées par la peinture et destinées spécialement à cet album. Le batteur commente, suggère, ponctue, dessine des rythmes qui s’ouvrent et se referment pour mieux accueillir une vraie musique de groupe dont on goûte immodérément les audaces.

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10 novembre 2009 2 10 /11 /novembre /2009 09:04

Surprise: les photos de Jean-Marc Lubrano qui illustrent cet album d’Ahmad Jamal sont celles d’un reportage réalisé pour Jazzman en 2008. Le pianiste n’aime pas trop les studios d’enregistrement, ne s’y rend que lorsqu’il a quelque chose à dire, de nouvelles musiques à proposer. Ce disque, le pianiste de Pittsburgh ne l’a pas non plus enregistré en France, mais à New York, dans un studio de Brooklyn. Kenny Washington son nouveau batteur ne change pas sa musique, mais lui apporte une fluidité plus grande. La contrebasse ronde et puissante du fidèle James Cammack reste toujours la colonne vertébrale de l’orchestre et les percussions de Manolo Badrena s’intègrent parfaitement à une musique toujours en mouvement et à la mise en place quasi millimétrée exigée par Jamal. Ce dernier reste une voix à part, un styliste dont les compositions facilement reconnaissables donnent faussement l’impression de se ressembler. Jamal les charpente souvent de la même manière, imbriquant les unes dans les autres les différentes parties qu’elles contiennent. Paris After Dark qui ouvre l’album ressemble d’ailleurs à une suite. Le pianiste y mêle plusieurs séquences rythmiques, fait alterner les moments de tension et de détente afin d’intensifier sa dynamique. Si ses arrangements privilégient souvent le rythme (Paris After Dark, Flight to Russia ou la version très enlevée du classique de Randy Weston Hi Fly que contient l’album), Jamal n’en reste pas moins un grand mélodiste. The Blooming Flower déborde de lyrisme. The Love Is Lost repose sur un thème d’une grande fraîcheur. Longuement introduit par un piano modal, Poetry ruisselle de couleurs. Dans cette pièce, batterie et percussions ne marquent pas le tempo, mais suggèrent, se font voix mélodiques. Toujours et partout, Ahmad Jamal fait chanter les silences qu’il place entre ses notes. Il peut en jouer beaucoup, phraser en accords ou placer des guirlandes de trilles décoratives, il parvient toujours à les faire respirer. La musique classique américaine (il n’aime pas l’appeler jazz) qu’il compose pour son « petit grand ensemble » possède une réelle dimension orchestrale. Neuf des onze morceaux réunis ici sont de sa plume. Riche en rebonds jamaliens, Tranquility fut précédemment enregistré par le pianiste qui nous offrit en 1966 une version également différente de I Hear a Rhapsody, l’autre standard d’un album incontournable de sa discographie.

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8 novembre 2009 7 08 /11 /novembre /2009 09:05
Musicien prolifique, David Murray ne cesse de renouveler son répertoire, d’explorer les diverses facettes de la musique afro-américaine. Auteur de la musique de deux opéras, il a également composé pour des films, des spectacles de danse ou des pièces de théâtre. Si les tambours guadeloupéens des Gwo Ka Masters résonnent dans “The Devil Tried to Kill Me“, un nouvel album enregistré à Pointe-à-Pitre avec le bluesman Taj Mahal, Murray sera à Nantes, au Grand T, mardi prochain, pour une relecture des albums espagnols du chanteur et pianiste Nat “King“ Cole .


Cole enregistra le premier, “Cole Español“, à Los Angeles en 1958. Ne parlant pas cette langue, il en apprit phonétiquement les chansons, posant sa voix sur les parties instrumentales que le chef d’orchestre cubain Armando Romeu Jr. avait enregistrées à la Havane. Le disque contient le célébrissime Quizas Quizas Quizas qui fit le tour du monde. Toujours pour Capitol et en espagnol, le chanteur grava deux autres albums : “A Mis Amigos“ en 1959 arrangé par Dave Cavanaugh et “More Cole Español“ enregistré à Mexico City en 1962, les orchestrations étant confiées à Ralph Carmichael. Ce dernier renferme le fameux Tres Palabras et les ballades délicieuses que sont Adios Mariquita Linda et No Me Platiques.


Ne pouvant disposer pour sa tournée des cordes de “La Camerata de Yvan del Brado de la Havana Cuba“, orchestre cubain dirigé par Butch Morris, et du crooner Avery Brooks pour chanter ces morceaux, David Murray s’est vu contraint de les adapter pour les dix musiciens de son orchestre, la plupart des morceaux de “Cole Español“ et de“More Cole Español“ constituant son répertoire. Les solistes pallient l’absence de la voix et les thèmes, tour à tour portés et développés par les instruments mélodiques de la formation (saxophones, trompettes trombone et piano), portent des couleurs empruntées aux arrangements de Duke Ellington pour grand orchestre, la section rythmique renforcée par un joueur de congas apportant une saveur purement latine à la musique. Et puis il y a Murray au saxophone ténor. Après avoir subi les influences d’Albert Ayler et de John Coltrane, il semble suivre à rebours l’histoire du jazz. Son goût pour les dissonances et les vastes sauts d’intervalle ne l’empêche nullement de privilégier un discours mélodique à l’harmonie ouverte. Coleman Hawkins et les grands ténors de l’instrument se font ainsi entendre dans le jeu expressif et sensuel d’un saxophoniste aussi puissant que lyrique.


Silverio Puentes Avila et Dennis Hernandez Hernandez (trompette), Roman Filiu (saxophone alto), David Murray et Ariel Bringuez (saxophone ténor), Denis Cuni (trombone), Ivan Gonzalez Lewis (piano), Reinier Elizarde (contrebasse), Georvis Pico Milian (batterie), Yusnier Sanchez Bustamante (percussions).

Au Grand T, 84 rue du Général Buat, Nantes, mardi 10 novembre à 20 heures.

http://www.legrandT.fr

Photo D. Murray © A. Barboza
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6 novembre 2009 5 06 /11 /novembre /2009 11:15

JEUDI 15 octobre

Carte blanche à Kirk Lightsey au Duc des Lombards. Le pianiste choisit d’inviter Ricky Ford qui, dans une forme inhabituelle, crée la surprise. Chapka turque vissée sur la tête, le saxophoniste sculpte des notes brûlantes, les étrangle. La phrase est emportée jusqu’au bout du souffle, avec tendresse et violence. Le son dense, volumineux de son ténor couvre une large tessiture avec une égale puissance. Imperturbable et le blues dans les doigts, Lightsey trempe la musique dans un grand bain de swing et caresse ses notes pour mieux les faire danser. Elles prennent aux tripes, au cœur et font rêver, mais Ford déploie une énergie titanesque dans des improvisations intenses et accapare l’attention. L’homme se donne à fond, vide son grand sac de notes et quitte la scène ses chorus achevés, après avoir soufflé le contenu entier de ses gigantesques poumons. Kirk Lightsey doit conclure les morceaux en trio. Sangoma Everett semble toujours autant s’amuser derrière sa batterie. Très demandé pour la grande précision de ses lignes de contrebasse, Darryl Hall assure avec lui une assise rythmique solide, mais propose aussi ses propres commentaires mélodiques. Une soirée coup de poing pour le moins inattendue.

LUNDI 19 octobre

Harold López-Nussa trio au New Morning dans le cadre du Carefusion Jazz Festival de Paris. Lauréat de la prestigieuse “Montreux Jazz Solo Piano Competition“ en 2005, ce jeune pianiste de 25 ans résidant à La Havane est l’accompagnateur régulier de la chanteuse cubaine Omara Portuondo, la diva du Buena Vista Social Club. Felipe Cabrera, le contrebassiste de son trio, joue également avec elle. Ruy Adrian López-Nussa, le frère d’Harold, complète le groupe à la batterie. Un concert largement consacré à “Herencia“ (Planète Aurora/Harmonia Mundi), premier disque de cette jeune formation enregistré en mars dernier au Studio Recall près de Nîmes par Philippe Gaillot. Harold López-Nussa en a composé la plupart des morceaux. Celui qui lui donne son titre, Herencia (Héritage) est une ballade aux notes très pures. Johann Sebastian Bach se rappelle à notre souvenir dans Los Tres Golpes qui n’en reste pas moins une fantaisie afro-cubaine. Une douzaine d’années passées à étudier le piano classique laisse des traces. Harold se consacre totalement au jazz depuis cinq ans. Danses d’origine africaine, rumba, son, guaguanco (rumba lente propre aux Provinces de La Havane et de Matanzas) font partie de sa culture. Leurs rythmes et leurs couleurs nourrissent son piano et ses compositions. San Leopoldo demande une mise en place très précise. Les solos de batterie de Ruy Adrian, le « petit frère » soulèvent l’enthousiasme. Le trompettiste Mayquel Gonzalez se joint au trio dans  Saudade, une ballade lumineuse, et Pa’Philippe, une danse solaire aux arômes épicés. On suivra de près Harold López-Nussa digne héritier des Chucho Valdes et Gonzalo Rubalcaba, capable d’émouvoir en solo (Mama dédié à sa mère), un véritable espoir du piano cubain.

La photo de groupe a été prise dans la loge du New Morning. De gauche à droite : Harold López-Nussa, Ruy Adrian López-Nussa, Philippe Gaillot et Felipe Cabrera.

MARDI 20 octobre

Le CareFusion Jazz Festival se déplace au Duc. Le pianiste Vijay Iyer s’y produit pour la première fois avec les fidèles musiciens de son trio, Stephan Crump à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie. Leur précédent concert parisien remonte au 13 février. J’ai en rendu compte dans ce blog, ne ménageant pas mes louanges à leur musique particulièrement inventive, à un pianiste qui n’a pas peur de ne pas jouer comme les autres. Je m’attendais à un concert volcanique comme celui du Sunside, il n’en fut rien. Les trois hommes choisirent d’organiser le foisonnement de notes qui naissaient sous leurs doigts, de sculpter la pâte sonore épaisse de leur musique pour mieux en souligner les aspects mélodiques. Vijay Iyer hypnotise toujours par ses accords répétitifs, longs ostinato qui permettent à la contrebasse et à la batterie d'installer un tissu rythmique très dense. Vijay Iyer montra ce soir-là un autre visage, joua un piano moins percussif après un premier concert plus tumultueux à 20 heures. Invité inattendu, Steve Coleman monta sur scène dès le troisième morceau pour y mettre le feu, son saxophone apportant à la musique un poids de notes sauvages et agressives, le trio enivrant par ses cadences inhabituelles, ses mélodies fugitives, abstraites et dissonantes. En duo avec Coleman, Iyer aborda Round Midnight de façon très lyrique, son piano souvent sage surprenant un public guettant l’inattendu, la musique de ce concert ressemblant davantage aux belles pages lentes de “Tragicomic“ le superbe avant-dernier album du pianiste, que de celles du tonique “Historicity“, manifeste d’un jazz neuf et vraiment différent.

MERCREDI 21 octobre

Denise King au Duc. Je connais mal cette chanteuse de Philadelphie que les parisiens ont pu écouter naguère à La Villa rue Jacob. Rencontré il y a quelques jours, Olivier Hutman m’a vivement conseillé d’assister à son concert. Il a été son pianiste, lorsqu’elle s’est produite dans le défunt club de la rue Jacob et me vante ses qualités vocales impressionnantes. Dotée d'une voix puissante et chaude, Denise King chante le blues comme nulle autre. Elle aborde avec un bonheur égal le jazz et la soul dans un répertoire éclectique qui semble lui avoir été taillé sur mesure. Song for My Father d'Horace Silver séduit par son découpage rythmique funky ; abordé sur tempo médium, Take the A Train bénéficie d’une mise en place impeccable ; lent et majestueux, Summertime donne le frisson. Servie par le piano magique d’Olivier Hutman qui apporte une grande gamme de couleurs, trouve toujours les accords et les notes qui conviennent le mieux au miel de sa voix, Denise King chante aussi At Last immortalisé naguère par Ella Fitzgerald et Etta James. Swing, phrasé et diction impeccable, feeling gros comme une montagne, on souhaiterait des disques de la dame sur le marché français. Il n’y en a pas. “Fever“, son dernier enregistrement (2007) est même introuvable.

Avec Dany Michel qui naguère programma Denise King à La Villa, nous marchons jusqu’au New Morning afin d’écouter Jeff “Tain“ Watts. Le batteur, un des meilleurs de la planète jazz, rassemble autour de lui Jean Toussaint au saxophone ténor, David Kikoski au piano et James Genus à la contrebasse. Ne composant pas, il emprunte son répertoire aux autres, joue un jazz moderne trempé dans le blues. Malheureusement il en fait trop : ses bras puissants martèlent ses tambours, mitraillent ses cymbales et la musique ressemble à une exhibition de savoir faire. Couverte par la batterie, la contrebasse n’est pas toujours audible. David Kikoski joue bien des notes inutiles. Dommage, car Jean Toussaint, excellent, prend de bien beaux chorus. Je garde en mémoire un thème de Thelonious Monk très enlevé, joué avec une passion et une musicalité que l’on aurait aimées plus présentes au long de cette soirée.
Photos © Pierre de Chocqueuse

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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 10:38
Le jazz bouge en novembre et nous aussi. Les clubs nous tendent les bras avec une pléiade de concerts parmi lesquels certains sont à ne pas manquer. Parmi ces derniers, je relève Riccardo Del Fra dans un programme consacré aux musiques qu’il a composées pour les films de Lucas Belvaux, mais aussi “La Tectonique des nuages“ présentée dans sa version scénique au Théâtre du Rond-Point, musique de Laurent Cugny (en photo avec Julien Delli Fiori) que l’on retrouve quelques jours plus tard au Sunside en duo avec Enrico Pieranunzi pour un concert alléchant. Les amateurs de découvertes iront écouter le saxophoniste Robin Verheyen au Duc des Lombards, le quartette inédit réunissant Adam Nussbaum, Pierrick Pedron, Hervé Sellin et Riccardo Del Fra au Sunset et le Festival Jazzy Colors du 14 au 27 novembre rassemblant des musiciens de treize pays. On consultera le programme détaillé de cette manifestation sur le net et dans ma sélection mensuelle de réjouissances jazzistiques. N’oubliez pas We Want Miles au Musée de la Musique, exposition qui se regarde et s‘écoute, un casque audio prêté par le musée permettant de se brancher à des bornes audio ou vidéo et de nombreuses niches ovoïdes diffusant de la musique. Exposition qui se raconte tous les jeudis, les conférenciers étant Laurent Cugny (de 19h30 à 21h30 du 5 novembre au 21 janvier) et Philippe Baudoin (de 16h30 à 18h30 jusqu’au 28 janvier). L’autre événement jazzistique de novembre est la sortie le 18 du premier long-métrage de Jean Achache “Un soir au club“ adapté d’un roman de Christian Gailly publié aux Editions de Minuit et lauréat du prix du livre Inter en 2002. Michel Benita a composé presque toute la musique et Antoine Hervé joue les parties de piano de Thierry Hancisse, acteur principal du film avec la fascinante Elise Caron (photo ci-dessus) dont vous lirez courant novembre dans ce blog l’interview qu’elle a m’a récemment accordée.

LES CONCERTS DE NOVEMBRE

-Trop peu connu en France, le saxophoniste Robin Verheyen (photo) est un des grands espoirs du saxophone en Belgique. Il sort un album très réussi sur Pirouet et donne un concert au Duc des Lombards le Jeudi 5 avec les musiciens qui l’accompagnent sur son disque, à savoir Bill Carrothers au piano, Nicolas Thys à la contrebasse et Dré Pallemaerts à la batterie. Baptiste Trotignon se produit en trio le même soir au Studio SFR, 9 rue Tronchet 75008 Paris  avec Thomas Bramerie (contrebasse) et Franck Agulhon (batterie). Invitations à retirer au Studio à partir de 11 heures le 4 novembre.


-Gretchen Parlato au Sunside les 6 et 7 novembre. Son disque a tardé à nous parvenir. Il donne envie d’écouter la chanteuse sur scène. Un quartette dont Gerald Clayton est le pianiste accompagne une voix très personnelle au service du jazz, du rythme et des musiques du monde.


-Didier et Francis Lockwood occupent le théâtre de l’Alhambra le 9. Les deux frères viennent de publier un joli disque ensemble. Les chanteuses Tangora et Stephy Haïk, le Thomas Enhco trio et le quartette du batteur Jean-My Truong, tous des artistes du label Ames, assureront la première partie du concert. Les 9 et 10 novembre, DAG, trio réunissant la pianiste Sophia Domancich, le contrebassiste Jean-Jacques Avenel et le batteur Simon Goubert fête au Sunside la sortie de “Free 4“, un album envoûtant enregistré avec le saxophoniste Dave Liebman.


-Kurt Elling est attendu au New Morning le 10. Présent dans le dernier album du chanteur consacré à la musique de Duke Ellington, et membre du Quartet West de Charlie Haden aujourd’hui en sommeil, le saxophoniste Ernie Watts l’accompagne. Toujours le 10, au Centre Wallonie-Bruxelles, 46 rue Quincampoix 75004 Paris, le contrebassiste Riccardo Del Fra (photo) jouera les musiques qu’il a composées pour les films de Lucas Belvaux. “Rapt“, le dernier en date, sort le 18 novembre. Sylvain Gontard à la trompette et au bugle, Esteban Pinto Gondim à la clarinette et au saxophone alto, Bruno Ruder au piano, Jean-Luc Landsweerdt aux percussions et le quatuor à cordes de “Rapt“ seront présents sur scène.


-Les pianistes de Miles, une soirée Paris Jazz Club le 11. Une entrée payante donne accès à 4 clubs. En quartette au Sunset, Laurent Cugny joue la musique de Joe Zawinul. Egalement en quartette, Laurent de Wilde (photo) s’attaque au répertoire de Chick Corea au Sunside. Le Baiser Salé accueille le trio de Pierre de Bethmann dans un programme intitulé « Miles Hancock ou Herbie Davis ». Enfin, le Duc reçoit le quintette de René Urtreger, pianiste de l“Ascenseur pour l’échafaud“ et créateur de magnifiques albums bien ancrés dans le bop. “75“, son dernier disque est disponible dans les FNAC Montparnasse, Ternes, Forum et Parly 2. Vous pouvez également le commander à Jeanne de Mirbeck, La Prairie 92410 Ville d’Avray. jdemirbeck@numericable.fr Envoi sous 48 heures dès réception d’une somme de 13€ (frais d’expédition sur l’Europe inclus). Ne tardez pas : mille exemplaires seulement de ce collector ont été fabriqués.     

-Le 12 au Sunset, le batteur Adam Nussbaum donne un concert en quartette avec Pierrick Pedron au saxophone alto, Hervé Sellin au piano et Riccardo Del Fra à la contrebasse. Le casting interpelle. Le même soir au New Morning, Patrice Caratini et son Jazz Ensemble présente “Latinidad“, nouvelle création de l’orchestre dans laquelle les couleurs du jazz se mêlent à celles des îles.

-Melody Gardot à l’Olympia le 13. La chanteuse rassemble autour d’elle un public beaucoup plus vaste que celui du jazz. Très bien produit, son dernier disque fourmille de vraies mélodies qu’elle chante d’une voix troublante. Vous avez bien fait de réserver vos places longtemps à l’avance, l’Olympia affiche complet. –  Les noctambules de la dernière heure n’ont pas tout perdu, puisque le Duc des Lombards programme les 13 et 14 Diane Schuur, figure emblématique du jazz vocal qui se produit pour la toute première fois dans un club parisien. – Egalement les 13 et 14 novembre, le saxophoniste Stéphane Spira et le pianiste Giovanni Mirabassi présentent leur jazz intimiste au Sunside. Ils viennent de sortir un album sur Bee Jazz et nous offrent de partager avec eux leur complicité musicale.


-Le 14 débute le Festival Jazzy Colors organisé par les instituts culturels étrangers à Paris. Le président d’honneur est Daniel Humair et Bojan Z parraine cette septième édition. Le célèbre pianiste et compositeur portugais António Pinho Vargas (photo) en duo avec le saxophoniste José Nogueira ouvre le festival par un concert à l’Institut Hongrois, 92, rue Bonaparte 75006 Paris. Le lendemain 15 novembre  Bojan Z donne au même endroit un concert en solo. Jazzy Colors se déroule jusqu’au 27 novembre. On consultera le programme détaillé sur internet.


-Le 15, le label Gaya Music Production fête sa naissance au Sunside et propose quatre groupes la même soirée pour le prix d’un seul. Le trio de Lionel Belmondo, le sextette de Jean-Philippe Scali, le Rémi Vignolo Akdmic et le Upanishad Experiences du saxophoniste Samy Thiébault se relaieront pour maintenir le public sous pression. – Le même soir, les amateurs de jazz intimiste peuvent choisir de se rendre au Café de la Danse où les attend le trio du contrebassiste Jean-Philippe Viret.


-Ne manquez surtout pas le 16, "La Tectonique des Nuages" donnée à 19 heures au théâtre du Rond-Point dans sa version concert. L’opéra de Laurent Cugny adapté de Cloud Tectonics, une pièce de José Rivera, livret de François Rancillac, dure deux heures. Un prologue et un épilogue la complètent. Pour la bonne compréhension de l’histoire, un narrateur assure les liaisons entre les scènes. David Linx, Laïka Fatien et Yann-Gaël Poncet assurent les voix. L’orchestre de dix musiciens commente l’action et donne de magnifiques couleurs à la musique. Le concert est gratuit, mais la réservation est obligatoire auprès de l’Association Beaumarchais au 01 40 23 45 35.


-Le pianiste Antoine Hervé (photo) poursuit ses leçons de Jazz à  l’auditorium St. Germain. Entreprise de salut public (on n’imagine pas à quel point les Français ignorent tout de la musique en général et du jazz en particulier), ces concerts commentés seront filmés les 16 et 17 pour les besoins d’un DVD. Au programme de ces deux soirées, la musique du grand Oscar Peterson qu’Antoine jouera avec François et Louis Moutin, contrebassiste et batteur émérites.


-Elisabeth Caumont au Foyer du théâtre du Châtelet le 17. Elle ne chante pas du jazz, mais s’entoure de jazzmen pour écrire ses musiques. “Princesse Micomiconne“ son nouvel album contient de jolies chansons. Le même soir, Mélanie Dahan donne deux concerts au Duc des Lombards. Elle aussi allie jazz et chanson française dans “La princesse et les croque-notes“  disque dans lequel elle chante Georges Brassens, Léo Ferré, Claude Nougaro et Charles Aznavour.


-Le trio du contrebassiste Stéphane Kerecki (sur la photo avec Stéphane Spira) - Matthieu Donarier aux saxophones et Thomas Grimmonprez à la batterie - donne deux concerts le 18 au Duc avec l’herculéen saxophoniste Tony Malaby, déjà présent dans “Houria“ , album dont j’ai dit grand bien dans ce blog, l’un des meilleurs de l’année qui s’achève.


-Crooner, saxophoniste et entertainer hors normes, Curtis Stigers sait occuper une scène et tenir un public en haleine. Il se produit en quartette les 20 et 21 au Duc des Lombards. Son dernier disque est un poil moins bien que “Real Emotional“, son précédent opus, mais on peut se laisser tenter.      

-Le Centre Wallonie-Bruxelles propose une conférence sur le jazz en Belgique le 23 à 19 heures. Ecrivain, comédien, homme de radio, le bruxellois Marc Danval nous contera son histoire, ses âges d’or. Au même endroit, mais à 20 heures, le pianiste Eric Legnini donne un concert en solo. Le compagnon de Stefano di Battista, Flavio Boltro porte un nom italien, mais possède la nationalité belge, d’où sa présence aux manifestations jazzistiques qu’organise le Centre Wallonie-Bruxelles à l’occasion de ses trente ans de présence à Paris.


-On retrouve Antoine Hervé et les frères Moutin au Duc les 23 et 24. Vieux complices d’Antoine, François et Louis jouent sur plusieurs de ses albums et ces concerts de novembre promettent de grands moments.


-Immense pianiste, Enrico Pieranunzi sort un nouveau disque en solo et rencontre Laurent Cugny le 25 au Sunside pour des duos à quatre mains dont on attend bien sûr merveilles et émotions.


-Aka Moon le groupe phare de la scène belge au Sunset le 27. Grands voyageurs, Fabrizio Cassol, Michel Hatzigeorgiou et Stéphane Galland se sont penchés sur les musiques de très nombreux pays afin de créer la leur, inclassable, métissée et toujours surprenante.


-Lee Konitz et Dan Tepfer au Duc des Lombards le 29. On ne présente plus le saxophoniste qui a fêté ses 82 ans le 13 octobre dernier et enregistre toujours abondamment. On connaît moins Dan Tepfer, jeune pianiste américain né à Paris en 1982, élève de Martial Solal, Kenny Werner, Fred Hersch et du regretté Bernard Maury. Les deux hommes sortent un disque en duo sur Sunnyside (photo) qui met l’eau à la bouche.      


Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com   -  Studio SFR : http://www.lestudiosfr.fr

Sunset - Sunside : http://www.sunset-sunside.com  - Théâtre de l’Alhambra : http://www.alhambra-paris.com

New Morning : http://www.newmorning.com   -  Centre Wallonie-Bruxelles : http://www.cwb.fr

Baiser Salé : http://www.lebaisersale.com   -  Olympia : http://www.olympiahall.com

Festival Jazzy Colors : http://www.myspace.com/jazzycolors  - Café de la Danse : http://www.cafedeladanse.com

Théâtre du Rond Point : http://www.theatredurondpoint.fr    - Auditorium St Germain : http://www.mpaa.fr

Théâtre du Châtelet : http://www.chatelet-theatre.com

CREDITS PHOTOGRAPHIQUES : Thierry Hancisse
et Elise Caron
António Pinho Vargas photos X/DR - Robin Verheyen © Patrick Van Vlerken/Pirouet Records - Lee Konitz & Dan Tepfer © Sunnyside Records - Laurent Cugny & Julien Delli Fiori, Riccardo Del Fra, Laurent de Wilde, Antoine Hervé, La Tectonique des Nuages, Stéphane Spira & Stéphane Kerecki © Pierre de Chocqueuse.
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30 octobre 2009 5 30 /10 /octobre /2009 10:50

Le temps d’une moitié d’album (on espère une tournée pour prolonger la rencontre), DAG, acronyme de Domancich, Avenel, Goubert, invite Dave Liebman à partager l’aventure de leur trio pas comme les autres. Le saxophoniste possède une forte personnalité. Il titille souvent les aigus de son soprano et son jeu est aussi véhément que lyrique. Loin d’afficher une attitude passive, de constituer un simple écrin à sa flamboyance, nos trois musiciens font entendre leurs différences. Dès la première plage, The Day Before, on est saisi par le son volumineux de la contrebasse de Jean-Jacques Avenel. L’instrument n’a sans doute jamais sonné avec tant de profondeur dans Le Sec du Clocher, magnifique composition de Simon Goubert. Admirablement rythmée par ce dernier, la musique prend le temps de respirer et de se construire. S’il offre de véritables thèmes à Dave LiebmanEsteem construit autour d’une grille de blues - , le trio se réserve les plages les plus abstraites. Estampe (19x26), un duo contrebasse – batterie, révèle la poétique d’une improvisation intuitive, liberté que l’on trouve aussi dans de nombreuses pièces de l’album. Au piano, Sophia Domancich joue des  harmonies flottantes et mystérieuses dans A Pâques, une de ses compositions qu’elle aborde en solo. Sorti d’un magma sonore hésitant et informe, The Right Way To Go s’invente au fur et à mesure et semble avoir été entièrement créé en studio. Pour vous, ces quelques Althea rosea évoque le parfum et les couleurs des morceaux de Paul Bley, musique allusive, dont l’intériorité est une mise en espace de sentiments profonds, exploration sonore frémissante et toute en devenir.

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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 10:12

MERCREDI 14 octobre

Merveilleuse soirée passée au Théâtre du Châtelet. La compagnie sud-africaine Isango Portobello donne une relecture colorée et jubilatoire de “La flûte enchantée“ du grand Mozart, avec des chanteurs et des chanteuses découverts dans des townships – Trente trois musiciens acteurs et danseurs. Certains d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds dans un théâtre. Mozart composa son opéra en allemand, acte idéologique fort car, en choisissant cette langue, il le destinait à un public bourgeois ou populaire. Interprétée par des artistes d’une autre culture cette “Flûte enchantée“ (“Impempe Yomlingo“) chantée en anglais, en xhosa et dans d’autres dialectes africains, s’adresse également à un public plus large que celui de l’opéra traditionnel. La musique de Mozart est jouée par douze marimbas à touches noires qui offrent de nombreuses nuances sonores. Dirigée par Mandisi Dyantis qui est aussi un des musiciens de l’orchestre, l’Ouverture, fidèlement restituée, constitue une véritable performance sur le plan des timbres. L’instrument accompagne traditionnellement les fêtes dans plusieurs pays du sud de l’Afrique et sa sonorité boisée et chantante hypnotise. L’instrumentation fait également appel à des tambours. Une trompette se substitue à la flûte, et des bouteilles en verre remplacent le jeu de clochettes (glockenspiel) de la partition originale. Dignes des meilleurs ensembles de gospel, les chœurs donnent de grands frissons. Les voix, chaudes, sensuelles, puissantes, subjuguent par leurs couleurs. Les musiciens dansent et jouent pieds nus avec un naturel confondant. Mark Dornford-May, metteur en scène de cette étonnante version africaine de la “Flûte enchantée“, l’a choisie pour ses similitudes avec les rites d’initiations de sa propre culture - épreuves de purification par l’eau et le feu - , et certains contes sud-africains. Dans l’un d’entre eux, un conte tsonga, un être courageux doit entreprendre l’ascension d’une montagne et y jouer de la flûte afin d’empêcher les oiseaux ndlati de provoquer la foudre. Dans l’opéra de Mozart, l’action se déroule en Egypte et emprunte de nombreux éléments du rituel maçonnique. Le compositeur utilise abondamment le chiffre trois dans son opéra – les trois accords de mi bémol majeur (avec trois bémols à la clé) de son ouverture, mais aussi les trois dames voilées envoyées par la Reine de la nuit à Tamino, les trois jeunes garçons qui le guident, les trois portes du Temple de la sagesse et les trois obsessions de Papageno : boire, manger et trouver une femme. Né dans les townships et créé en 2007 au Baxter Theatre de Cape Town, “Impempe Yomlingo“ a été présenté avec succès à Londres (au Young Vic puis au Duke of York Theatre), Dublin, Tokyo et Singapour. Opéra de contrastes (entre masculin et féminin, lumière et obscurité), porteur d’un message philosophique, il s’adresse à toutes les cultures et soulève l’enthousiasme.

Crédits photographiques: Tamino jouant de la flûte ; Papagena & Papageno; Pamina et les trois esprits © Isango Portobello - Groupe avec Tamino © Marie-Noelle Robert.  

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23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 09:30

Keith Jarrett en solo : le pianiste s’est fait une spécialité de cet exercice sans filet qui consiste à inventer une musique en temps réel. Pour le mener à bien, il possède une vaste culture musicale, et peut compter sur la qualité de son jeu de piano, une technique affinée par des années de concerts. Ceux qu’il donna à Paris, Salle Pleyel, le 26 novembre 2008 et quelques jours plus tard à Londres, au Royal Festival Hall, le 1er décembre, font l’objet de ce coffret de 3 CD sobrement présenté. Le pianiste y crée des mondes sonores contrastés qui témoignent de son éclectisme, et canalise sa pensée dans des improvisations de longueur raisonnable. On est loin des vagabondages hypnotiques des années 70, même si Jarrett n’abandonne pas la pratique des ostinato incantatoires. La pièce la plus brève dure un peu moins de quatre minutes ; la plus longue approche les quatorze. Plus court que celui de Londres, le concert de Paris n’occupe qu’un seul CD. Que ce soit dans l’une ou l’autre de ces capitales, Jarrett commence par des morceaux de forme sonate – on pense à celles d’Alexandre Scriabine et de Serge Prokofiev qu’il a probablement beaucoup écoutées. La musique se déploie, sombre, mélancolique (à Londres), et souvent majestueuse. La première pièce parisienne flirte avec l’abstraction, vagues de notes ondulantes se concluant par le thème apaisé. Le pianiste adopte un tempo nonchalant pour faire chanter et respirer l’avant-dernière pièce de son concert londonien, la onzième. Comme l’écrit avec perspicacité Guillaume de Chassy dans le dernier numéro de Jazz Magazine / Jazzman, « Jarrett donne l’impression fascinante de construire, planche après planche, le pont sur lequel il s’avance au milieu du vide ». Les mélodies apparaissent parfois tardivement comme s’il attendait qu’elles se lèvent, tel le jour après la nuit (Londres, Part.5, une pièce particulièrement acclamée). Il peut aussi les décliner d’emblée et les ornementer par des notes arpégées (Paris, Part.3, Londres, Part.8), ou en faire ressortir la beauté par un jeu sobre et lumineux (Paris, Part.7, Londres, Part.6, des moments splendides ). Jarrett adopte alors la forme chorale, cisèle des pièces très organisées et d’une grande rigueur de pensée. Il contrôle parfaitement la dynamique de son piano et fait entendre l’extrême délicatesse de son toucher. Jarrett peut ainsi faire pleuvoir des cascades de notes perlées ou nous faire voir le bleu du ciel (Londres, Part.4). Certaines improvisations atonales et virtuoses ne convoquent pas la moindre mélodie (Londres, Part.9, simple cadence acrobatique ; Paris Part.4 et Part. 8, cette dernière fascinante de rigueur et de logique). Et puis il y a le blues, souvent présent dans ses voicings, source majeure d’inspiration du pianiste tant à Londres (Part. 7 et 10) qu’à Paris (Part.6, du blues mêlé à des accords de boogie). Le gospel enfin, à Londres, (Part. 3 et 12), le pianiste achevant en état de grâce un concert exceptionnel.

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