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16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 09:36

Paolo Fresu, coverLa musique d’un film dont nous ne savons pas grand-chose. Réalisé par Stefano Landini, un obscur metteur en scène, “7/8“ (Sette Ottavi en italien) a été présenté lors de plusieurs festivals européens en 2006, mais n’a toujours pas été projeté sur les écrans français. Difficile de juger de sa valeur à la lecture de son seul synopsis et de donner un point de vue sur la relation que la musique entretient avec ses images. Sur cette dernière, le dossier de presse d’EMI donne peu de renseignements. On y apprend qu’elle fut complémentaire et qu’enregistrer cette musique fut un vrai défi pour le trompettiste contraint d’en entreprendre la composition au milieu d’une tournée de plus de cent dates. Le film se déroule en Italie pendant la seconde guerre mondiale, en plein fascisme mussolinien et traite des problèmes que les musiciens de jazz connurent avec la censure. Le jazz s’est alors implanté en Italie, la politique culturelle anti-américaine du régime n’ayant pas empêché Louis Armstrong d’y donner des concerts en 1934. Le jazz que l’on entend dans le film date pourtant d’une époque plus tardive. Influencé par Miles Davis tant sur le plan de la sonorité que de la musique, Paolo Fresu joue un jazz moderne qui intègre le vocabulaire du bop, mais aussi les subtilités harmoniques de la musique classique européenne. Fidèle à son propre langage, le trompettiste sarde le simplifie par des grilles harmoniques relevant souvent du blues et place au premier plan la mélodie. Construits sur des riffs, certains morceaux en semblent dépourvus, mais les solistes les inventent aux cours de leurs improvisations à l’instant même où ils s’expriment et le disque regorge de compositions lyriques. En apesanteur, Fresu en souffle les notes légères et transparentes. Son phrasé est élégant et sensuel, sa sonorité de couleur bleu ciel d’une douceur paisible. Il travaille depuis vingt-cinq ans avec le même quintette et entretient une relation privilégiée avec Tino Tracanna son saxophoniste. Leurs instruments exposent souvent les thèmes à l’unisson, se parlent, dialoguent. Le piano de Roberto Cipelli arbitre leurs échanges. La section rythmique n’enferme jamais leurs propos dans des tempos rigides. Ces derniers, lents ou médiums favorisent un discours fluide, souvent méditatif. Relevant du bop, Free Up et Gio’s Cervi’s Anatole sont les seuls morceaux rapides. Construits sur des modes, Ascensore per il paradisio et Dark Theme font beaucoup penser à “Kind of Blue“. Dans le premier, la contrebasse d’Attilio Zanchi joue un motif de pédale à la contrebasse. Dans Dark Theme, l’instrument égrène les notes d’All Blues et rythme le tempo languide d’une mélodie fantomatique qui semble naître de l’imagination des solistes. Trois morceaux enregistrés live pendant le tournage doublent les versions studios. Le guitariste Max Carletti se joint au quintette sur deux d’entre eux. On l’entend davantage dans un Sette Ottavi au climat pesant. Si l’illustratif The Shooting ressemble à une musique de film, les autres thèmes sont loin d’être de courtes séquences sonores exigées par l’action. Bénéficiant d’un minutage généreux (soixante-quatorze minutes), ce disque n’a pas besoin de porter des images. Sa belle musique se suffit à elle-même.       

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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 11:30

Notes de lecture (d)Trouvé sur les quais un roman peu connu de Bram Stoker. La réussite de son “Dracula“ semble avoir éclipsé les autres ouvrages du romancier anglais. “Le joyau des sept étoiles“ avec sa fin très surprenante reste pourtant une réussite. Publié Bram Stokerchez Marabout puis six ans plus tard par les Nouvelles Editions Oswald (NéO) en 1982, il est aujourd’hui réédité par les Editions Terre de Brume. Un archéologue tente ici de ressusciter la momie d’une reine égyptienne qui régna du vingt-neuvième au vingt-cinquième siècle avant Jésus-Christ. Le livre commence comme un polar. Par la mystérieuse agression de notre égyptologue dans une pièce entièrement close. Plongé dans un étrange état cataleptique, il en sort frais et dispos après trois jours. Normal, il est l’un des seuls à pouvoir redonner vie à la momie de la reine Tera, dont le corps astral, toujours soumis à la volonté implacable de cette dernière, parvient à se matérialiser dans le corps d’un animal pour se débarrasser de ses ennemis. Résurrection bien plus extraordinaire que les morts présumées de Fu Manchu qui, malgré tous les efforts de ses ennemis (voir ma chronique des “mystères du Si-Fan“), n’arrive pas à mourir.

 

J.J. PauvertGrand roman d’aventures, “Le joyau des sept étoiles“ fait parfois penser au célèbre “She“ de H. Rider Haggard que Jean-Jacques Pauvert réédita en 1965 dans sa collection Les Indes Noires. Un sacré éditeur ce Pauvert. J’ai récemment terminé le premier tome de ses mémoires “La traversée du livre“ (un excellent titre) que Viviane Hamy publia en 2004. Un second volume est toujours en préparation, celui-ci se terminant en 1968. Cette année-là, Pauvert édite L’Enragé. Siné, puis Wolinski dessinent les couvertures des premiers numéros. Pauvert milite et raconte ses combats contre la censure hypocrite. Il a commencé très tôt, publiant les deux premiers volumes de l’édition intégrale de l’“Histoire de Juliette“ du marquis de Sade dès 1947, mettant par inconscience son nom et son adresse sur la couverture d’un ouvrage interdit. Perquisitions, interrogatoires dans les bureaux de la Brigade Mondaine se succèdent. Pauvert persiste, fait paraître en 1953 “La nouvelle Justine“ et les “ Cent vingt journées de Sodome“. Défendu par Maurice Garçon, il est condamné en correctionnelle à verser 200.000 francs d’amende. Le jugement est cassé en appel en mars 1958. « Pour la première fois, l’existence d’une “littérature pour adultes“ était officiellement reconnue par la magistrature. » écrit Pauvert qui édite aussi Carte JJPJean Genet (“Les bonnes“), George Bataille (“Madame Edwarda“), “Histoire d’O“ écrit par Dominique Aury sous le pseudonyme de Pauline Réage. Il reprend à Eric Losfeld la revue Bizarre après deux numéros et réédite “Le voleur“ de Georges Darien et le “Dictionnaire de la langue française“ d’Emile Littré en sept volumes, dictionnaire au format étroit et allongé conçu sur une seule colonne, donc révolutionnaire pour l’époque. Jean-Jacques Pauvert publiera Pierre Klossowski (“Le Souffleur“ après “Le bain de Diane“), André Breton, Albertine Sarrazin (“L’astragale“). Il rééditera les poésies complètes de Victor Hugo,“Monsieur Nicolas“ de Restif de La Bretonne, Raymond Roussel et les romans de Boris Vian dont “L’écume des jours“ qu’il reprend à Gallimard « moyennant la reprise du stock pour un prix ridiculement bas ». Boris Vian dont il lisait les textes dans Jazz Hot : « J’étais un collectionneur de disques de jazz. Sous l’Occupation, je les achetais à Christian Viénot, tromboniste de Claude Luter. » Pauvert écrit bien et ne mâche pas ses mots pour critiquer François Mauriac, sa tête de turc. Il n’est pas tendre avec Françoise Giroud et Jean-Paul Sartre et n’aime pas trop Eric Losfeld « cyclothymique, menteur, capable d’être charmant un jour, odieux le lendemain, sujet à des accès de fureur imprévisibles. »

 

J. Sternberg Toi ma nuitC’est au Terrain Vague, sa maison d’édition, que ce dernier publie en 1969 “Toi ma nuit“ de Jacques Sternberg réédité chez Folio et dont on attend la réimpression. Disparu en 2006 dans une indifférence quasi générale, Sternberg fut un auteur extrêmement prolifique. J’ai trouvé ce livre chez Bloody Mary, excellente et sympathique librairie de la rue Linné que je fréquente assidûment. Il raconte en détail l’histoire d’une passion amoureuse tournant à l’obsession. En rencontrant Michèle (mais s’appelle-t-elle vraiment Michèle ?), le narrateur rencontre une jeune femme changeant sans cesse d’attitude « absente, distante, inaccessible (…) privée de substance, de relief, de système nerveux, réduite à une simple apparence diaphane ». Il décide de subir, de supporter l’indifférence de cette femme imprévisible « aussi dangereuse qu’une trappe qui aurait donné l’illusion d’un sol plat » qui le fascine, l’obsède et qu’il ne parvient pas à comprendre. Obsédé par son personnage, Sternberg reprendra cette histoire avec davantage de réussite dans “Le cœur froid » édité chez Christian Bourgois en 1972. L’aspect fantastique de ce roman d’anticipation est également peu développé. Il se situe en 1995, et le monde que décrit l’auteur est devenu « une gigantesque chambre à coucher où chacun fait désormais l’amour avec autant de désinvolture que s’il fumait une cigarette. » L’industrie du sexe, la première de la planète, inspire à Sternberg des pages hilarantes dont l’écriture n’est jamais vulgaire. Sa description du “Viol de Frankenstein“ (un film dont le scénario est bien sûr complètement inventé) est d’une drôlerie irrésistible. Je l'ai lue à Jean-Paul pour lui changer les idées. De peur d’être cambriolé, il ne communique à personne l’adresse de son appartement et j’ignore même s’il possède une bibliothèque. Sternberg ne l‘amuse pas, mais il apprécie les quelques lignes sur le jazz dont je lui fait la lecture : « Personne ne m’empêchera de préférer les plaintes exacerbées et lancinantes d’un Armstrong, d’un Charlie Parker, d’un Coltrane ou d’un Mingus aux hurlements incantatoires, obscènes, vulgaires, inconsistants qui sont l’unique aliment de la musique d’aujourd’hui. », un passage que Jean-Paul applaudit des deux mains.  

Photo © Pierre de Chocqueuse   

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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 09:56

Sylvain Beuf SextetUne rencontre amoureuse et Sylvain Beuf joue une musique différente que celle qu’il nous offre avec son trio habituel. Il y ajoute des couleurs, écrit des arrangements pour une formation étoffée. Denis Leloup au trombone, Pierrick S. Beuf coverPedron au saxophone alto et Jean-Yves Jung au piano rejoignent ainsi Diego Imbert et Franck Agulhon, le trio du saxophoniste se transformant en sextette. Reste à trouver des morceaux. Inspiré, Beuf compose un répertoire tout neuf. « J’ai écrit nuit et jour, (…) tout orchestré dans un état d’euphorie créatrice que je n’avais jamais connu auparavant. Je n’avais pas à chercher. Je trouvais naturellement. » confie-t-il à Pascal Anquetil. Jouée dans le Jazz Club de Dunkerke, la musique y est enregistrée live au cours de quatre nuits de concerts. Les instruments à vent s’assemblent pour exposer les thèmes à l’unisson, les reprendre entre les improvisations des solistes. Ces derniers travaillent sur des grilles harmoniques linéaires favorisant le swing. Sushi, Smile et Trouble in my Glass, morceau dans lequel le piano répond aux souffleurs, héritent d’un balancement funky. Dans Suspect Noise, le ténor et le trombone jouent un riff avant de révéler le thème en compagnie de l’alto. Sylvain Beuf introduit magnifiquement Ballade pour Rapha (son fils Raphaël) et Pierrick Pedron fait de même dans Les notes bleues, le titre le plus mingusien du disque. On pense à Goodbye Pork Pie Hat, tant au niveau du thème, que des couleurs qui Pierrick Pedron & Sylvain Beufl’habillent. Particulièrement inspiré, l’alto y chante avec un grand lyrisme. Denis Leloup affirme sa très grande maîtrise instrumentale et prend un chorus mémorable dans Suspect Noise. Les interventions en solo de Jean-Yves Jung sont moins convaincantes, mais l’intro de Baïkal Lake ne manque pas d’idées et le pianiste accomplit un formidable travail d’accompagnateur, en phase avec une section rythmique fluide et souple et de tout premier ordre. La prise de son de l’album manque toutefois de relief et ne rend pas toujours justice aux ensembles. Il faut donc écouter le groupe sur scène d’autant plus que les arrangements ne brident jamais l’imagination des solistes. De nouvelles couleurs, de nouvelles combinaisons instrumentales restent possibles. Denis Leloup jouait ainsi de la trompette basse dans Ballade pour Rapha et Les notes bleues lors du concert du groupe au New Morning le 31 mars dernier. S’offrant des improvisations beaucoup plus longues (le chorus d’alto de Pierrick Pedron dans Baïkal Lake fut un des grands moments de la soirée), Sylvain Beuf et ses musiciens reprirent dans l’ordre de l’album tous les morceaux de “Joy“, l’excellence de ce sextette se voyant en tous points confirmé.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 11:26

SF Jazz CollectiveLUNDI 15 mars

En tournée en Europe, Le SF Jazz Collective n’a pas oublié Paris, le groupe profitant de son passage au New Morning pour y enregistrer son prochain disque. Des caméras filmaient discrètement le concert, la scène du club bénéficiant d’un éclairage renforcé. Si les amateurs de jazz s’étaient déplacés nombreux, on connaît assez mal ce groupe dont la plupart des albums ne sont disponibles que sur le net (les musiciens avaient avec eux quelques exemplaires de leur précédent album Matt Penman & Avishai Cohenconsacré à la musique de McCoy Tyner. Ils furent tous vendus en quelques minutes). Fondé en 2004, Le SF Jazz Collective rassemble chaque année pour des concerts huit musiciens de jazz autour du répertoire d’un musicien célèbre. Après Ornette Coleman, John Coltrane, Herbie Hancock, Thelonious Monk, Wayne Shorter et McCoy Tyner, la musique d’Horace Silver est cette année à l’honneur. Chaque membre du groupe arrange un thème et apporte une composition nouvelle, une commande du SF Jazz, organisation à but non lucratif financée par diverses fondations (National Endowment for the Arts, Aaron Copland Fund for Music, The Phyllis C. Wattis Foundation). Après Joshua Redman et Joe Lovano, Mark Turner officie au ténor. Le trompettiste Avishai Cohen remplace Dave Douglas (et avant lui Nicholas Payton). Les autres membres de la formation sont Miguel Zenón au saxophone alto, Robin Eubanks au trombone, Edward Simon au piano, Stefon Harris au vibraphone, Matt Penman à la contrebasse et Eric Harland à la batterie. Un all-stars qu’animent plus particulièrement Avishai Cohen et Miguel Zenón. Matt Penman & Mark TurnerLoquace et chaleureux, le jeu d’alto de ce dernier est à l’opposé de celui de Mark Turner au ténor. Zenón bavard, joue à foison des notes brûlantes. Turner étend longuement les siennes, exprime un langage plus secret et intérieur qu’exubérant. Arrangée pour les vents, son adaptation chorale de Peace traduit une pensée délicate, une sensibilité qui s’exprime par de longues phrases mélancoliques jouées dans l’aigu de l’instrument, l’apparente froideur de son timbre dissimulant un grand lyrisme. Arrangé par Eric Harland, Señor Blues bénéficie d’une approche rythmique souple et inventive. La contrebasse mobile et mélodique de Matt Penman donne des ailes au batteur dont la polyrythmie très personnelle apporte beaucoup à la modernisation d’une musique reposant sur le socle de la tradition. Retravaillés, Lonely Woman, Cape Verdean Blues, Sister Edward Simon & Stefon HarrisSadie héritent ainsi de nouveaux rythmes. Tout comme Song For My Father, l’un des morceaux les plus célèbres de Silver. Arrangé par Edward Simon, il bénéficie d’un arrangement très différent de l’original. Né au Venezuela, installé à New York depuis 1989 et auteur d’un excellent disque en trio sur CamJazz (“Unicity“ en 2006), Simon trouve un complice en la personne de Stefon Harris. Vibraphone et piano mêlent délicatement leurs sonorités, installent des tapis de notes qui profitent aux solistes. Robin Eubanks ajoute souvent son trombone aux unissons des saxophones et improvise avec expressivité, la musique s’enrichissant de glissandos, de judicieux effets de growl. Avishai Cohen éblouit par ses chorus acrobatiques, tant dans une version très enlevée de Sister Sadie que dans sa Suite for Horace Silver concluant le premier set d’un concert épatant.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 11:23

Robot ParkerienAvril: Content Jean-Paul ! Frédéric Goaty le cite dans son dernier édito de Jazz Magazine / Jazzman. Trouver le “Tokyo Live“ de Tony Williams dans une boîte à chaussure à Albertville n’est pas donné à tout le monde. Content, mais son regard traduit une certaine inquiétude. Un rien rend Jean-Paul paranoïaque. Le blogdechoc est lu par de très nombreux amateurs de jazz et il craint d’être repéré par ces mystérieux « marchands japonais » qui, prétend-il, « surveillent ses déplacements ». Il m’apprend qu’il n’a pas encore mis la main sur cette fameuse Queen Suite ellingtonienne tant recherchée. Pour ajouter de l’angoisse à sa peur, j’exhibe une photo du disque en question, photo prise à Londres en 2008 par Claude Carrière lors d’une conférence de la Duke Ellington Music Society. Les deux demoiselles le tiennent comme le Saint Graal. Il appartiendrait à un certain Steve Lasker, célèbre collectionneur de disques d’Ellington. Se pourrait-il que cette même personne mette en vente son exemplaire ?  Sans rien me dire, Jean-Paul m’a quitté précipitamment. Je l’ai revu huit jours plus tard. Dans un café du Quartier Latin dont il m’avait indiqué l’adresse en compagnie de Bernard plus caustique que jamais. Mes questions sur la Queen Suite restant sans réponses, la conversation porta sur Fip. Amateur de swing, de bop et de hard bop, Jean-Paul a beaucoup apprécié le Jazz à Fip du 20 mars dernier présenté par un certain Philippe Machin Chose, « du jazz, mais du vrai avec des morceaux de Phineas Newborn, Bill Evans, Horace Silver, un duo superbe entre Sarah Vaughan et Joe Williams et même un titre de Jack Sheldon publié en 1980 sur le label californien Beez Queen Suite présentationRecords et jamais réédité en CD ». « Mais leur disque de la semaine, du reggae, une merde inaudible » ajouta-il furibard.  Jean-Paul fait partie des nombreux amateurs de jazz qui n’écoutent plus TSF « déçus par une programmation au sein de laquelle toute une partie de l’histoire du jazz et la plus créative est scandaleusement délaissée ». Je vous confie que du haut de ses presque deux mètres, Jean-Paul méprise beaucoup le jazz moderne. Je l’ai connu, il y a quelques années. Au New Morning. Il est venu à mon secours lorsqu’un saxophoniste mécontent de mes remarques sur ses hurlements incongrus s’apprêtait à me fracasser le crâne de son instrument. Parler aux musiciens de leur musique n’est pas sans risques, leur ego surdimensionné leur faisant parfois perdre la tête. « Bientôt (ajoute Bernard), ils seront tous au chômage. Les nouveaux robots sur lesquels je travaille poursuivront l’œuvre de Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Charles Mingus, les plus grands noms du jazz. Correctement programmé, l’ordinateur pourra non seulement composer de nouveaux morceaux, mais les jouer exactement comme si ces jazzmen étaient bien vivants et qu’ils interprétaient eux-mêmes ces nouvelles partitions qu’ils auraient pu inventer. Plus besoin de musiciens, mais des machines, des machines intelligentes ». Trop fou pour moi, Bernard m’est peu sympathique. Quant à Jean-Paul, il écoute Jazz à Fip tous les soirs, à la recherche de Philippe Machin Chose, le programmateur présentement sans visage qui ose ressusciter un jazz authentique le touchant jusqu’à la moelle.

Miguel Zenon

QUELQUES CONCERTS EN AVRIL

-On a récemment entendu le saxophoniste Miguel Zenon en grande forme au New Morning au sein du SF Jazz Collective qu’il anime excellemment. Il sera au Sunside le 2 et le 3 avec un nouveau quartette à l’instrumentation originale, Laurent Coq au piano, Dana Leong au violoncelle et Dan Weiss aux percussions se joignant à l’alto de Zenon. Co-écrit par ce dernier et Laurent Coq, leur répertoire également inédit s’inspire de “Marelle“ (Rayuella) le célèbre roman à tiroirs de Julio Cortazar. J’en profite pour vous annoncer la réédition prochaine chez Frémeaux & Associés d’“Octaèdre“, premier disque du label AxOlotl enregistré en solo par le pianiste François Tusques en 1994. Cet autre hommage rendu à l’écrivain argentin était depuis longtemps introuvable.

 

Jeremy Pelt a-Jeremy Pelt retrouve le Duc des Lombards le 6 et le 7. On peut écouter sa généreuse trompette dans le nouveau disque live de Baptiste Trotignon. Musicien émérite, Pelt s’est produit l’an dernier au Duc au sein de Violet Hours, le sextette du batteur Gerald Cleaver. Ce dernier est aussi le batteur du trompettiste qui publie sur HighNote un enregistrement en quintette “Men of Honor“, avec J.D. Allen au ténor, Danny Grissett au piano, Dwayne Burno à la contrebasse et Cleaver à la batterie. Le pianiste Xavier Davis remplace Grissett pour ces concerts que l’on aurait tort de bouder.

-L’incroyable succès que rencontre son dernier disque conduit Melody Gardot à refaire trois Olympia les 7, 8 et 9 avril prochains. Produit par le contrebassiste Larry Klein (ex-mari de Joni Mitchell) et superbement arrangé par Vince Mendoza, “My One and Only Thrill“ est une réussite, mais la chanteuse séduit également sur scène par sa présence et son naturel. Elle possède une voix et écrit de bonnes chansons. Que demander de plus ?

 

PHOTO-CARA-DE-DOS-c-Didier-Gaillard.jpg-Carte blanche à Patrice Caratini au Sunside. Le 9, le contrebassiste invite un complice, le guitariste Marc Fosset, et le pianiste Manuel Rocheman, mais associe aussi les saxophones de Rémi Sciuto et la voix d’Hildegarde Wanzlawe à ses “Shorts Songs“, répertoire diversifié de chansons, comptines, airs de comédies musicales qui font toujours rêver. Le 10, il nous propose une version en quintette de son “Latinidad“ , album consacré aux musiques des Caraïbes et qui s’achève sur des versions colorées de Manteca et Petite Fleur. Les percussions de Sebastian Quezada et d’Inor Sotolongo rejoignent ainsi saxophone, piano et contrebasse pour apporter l’élan rythmique que nécessite une telle musique.  

- Le 9 également, Claude Carrière, grand spécialiste de la musique du Duke mais aussi pianiste distingué, nous attend à 20h00 au cœur du Marais au Framboisy, 16 rue Charlemagne 75004 Paris. Avec l’excellent Frédéric Loiseau à la guitare et Marie Christine Dacqui à la contrebasse, Claude y accompagne la chanteuse Rebecca Cavanaugh dans un répertoire de chansons d’Ellington, Tom Jobim, Bob Dorough. Cuisine authentique et vins de producteurs indépendants à des prix raisonnables pour combler les papilles gustatives des auditeurs qui le souhaitent. Réservation recommandée au 01 42 72 14 16.

 

-Excellent pianiste, Aaron Parks multiplie depuis quelques mois les concerts à Paris. La formule du trio convient bien à ce musicien prometteur qui possède déjà une grande maîtrise de son instrument. Le 11 au Sunside, Matt Brewer à la contrebasse et Ted Poor à la batterie lui donneront des ailes pour un vol jazzistique que l’on souhaite vertigineux.

 

Martial Solal-Un Roger Guérin Benefit Concert le 12 au New Morning. Martial Solal, Eric Le Lann, Jean-Louis Chautemps, Alain Jean-Marie, Patrick Artero, Philippe Soirat, Médéric Collignon, Jean-Loup Longnon, Nelson Veras, Laurent de Wilde, Guillaume Naturel, Luigi Trussardi et Alex Tassel et beaucoup d’autres ont répondu présents pour assurer la musique.

Ahmad Jamal

-Plein de concerts intéressants le 13 avril. Le gros morceau c’est l’Olympia d’Ahmad Jamal produit par le Duc des Lombards. Le pianiste s’y produit avec son quartette habituel - James Cammack à la contrebasse, Kenny Washington à la batterie et Manolo Badrena percussions - , la pianiste japonaise Hiromi assurant la première partie du concert en solo.  

 

- Le même soir, les très nombreux admirateurs d’Elise Caron viendront Elise Caronl’entendre chanter le poète Dylan Thomas au Studio de l’Ermitage (8, rue de l’Ermitage 75020 Paris). Avec elle aux claviers Lucas Gillet, l’auteur des musiques de l’album, “A Thin Sea of Flesh“ (Le Chant du Monde), mais aussi d’autres instruments guitare, basse, batterie et percussions, pour colorer et rythmer les compositions, et porter haut la voix d’Elise qui enchante.

 

Hadouk-Trio.JPG- Toujours le 13, mais également le 14, à l’occasion de la sortie de “Air Hadouk“ (Naïve), le Hadouk Trio se produit au  Cabaret Sauvage, du parc de la Villette, un lieu un peu magique convenant parfaitement à la musique du groupe. Mélange de jazz et de musiques du monde, l’Afrique et l’Orient y font entendre leurs rythmes, des sons aux couleurs de bois et de métal, une musique enivrante pleine d’épices et d’arômes. Loy Ehrlich, Didier Malherbe et Steve Shehan jouent de très nombreux instruments, mais surtout Malherbe souffle des notes exquises dans son doudouk, hautbois arménien en bois d’abricotier, et nous fait voir le ciel.

Moutin Brothers

-Du 14 au 17 avril, Le Moutin Reunion Quartet fête au Sunside la sortie de “Soul Dancers“, son cinquième album. Avec leurs propres notes, les frères Moutin - François à la contrebasse et Louis à la batterie - y inventent une musique proche de celle que jouait Weather Report, groupe-phare des années 70 et référence absolue en matière de fusion. Pierre de Bethmann aux claviers et Rick Margitza au ténor ajoutent des couleurs très riches à des compositions ludiques et intelligemment orchestrées.

 

Laurent Mignard-Le 15, Rendez-vous à la Maison du Duke, 7/9 rue Francis de Pressensé 75014 Paris pour suivre de nouvelles aventures ellingtoniennes en compagnie de Laurent Mignard et du Duke Orchestra. La femme, essentielle dans l’imaginaire de Duke Ellington, est à l’honneur d’un programme qui lui est consacré. Sophisticated Lady, Blue Rose, The Star-Crossed Lovers (aka Pretty Girl), Tigress, Girl Suite, les occasions ne manquent pas de la décrire et de la célébrer dans le corpus ellingtonien. Invitées par Mignard, quatre d’entre-elles, China Moses, Laurence Allison, Sylvia Howard et Stephy Haik, se joindront donc à son orchestre pour la chanter. Répétition publique à 20h30 et concert commenté par Claude Carrière à 22h00.

S. Guillaume

 

-Au Sunset le 16 et le 17, carte blanche à Stéphane Guillaume. Prix Django Reinhardt 2009 de l’Académie du Jazz 2009, le saxophoniste convie son onztet à le rejoindre sur scène le premier soir. “Windmills Chronicles“, le disque qu’ils ont fait ensemble, est si bon que l’Académie du Jazz lui a également décerné son prix du Disque Français. Mais c’est avec les musiciens de son quartette – Frédéric Favarel à la guitare, Marc Buronfosse à la contrebasse, Antoine Banville à la batterie - que Guillaume nous donne rendez-vous le 17 pour écouter une musique dans laquelle l’improvisation occupe la première place.

 

chrissy flyer avril 10 le9jazz-Christine Flowers en trio au 9 Jazz-Club le 18 (à 18h00) avec Jobic Le Masson au piano et Peter Giron à la contrebasse. On ne connaît pas encore cette chanteuse franco-américaine qui vit en France depuis longtemps et se produit souvent en club. Avec eux et d’autres amis musiciens (Rick Margitza au saxophone, Jeff Boudreaux et John Betsch à la batterie), Christine vient d’enregistrer un superbe album consacré à Oscar Brown, Jr., son idole, un chanteur cher à son cœur. Elle cherche un label et un distributeur. N’hésitez pas à vous mettre sur les rangs, son disque en vaut la peine. Au besoin, contactez-moi, je transmettrai. Un second concert en quintette est prévu le 16 mai au Sunside. Notez la date dans vos agendas, on n’est jamais assez prudent.  

Marc Ribot © Marco Zanoni- Le 18 encore, deux guitaristes très dissemblables se partagent la Salle Pleyel. Le plus jeune, Marc Ribot, tire de son instrument des sons inimitables. Associé à de nombreux projets qui dépassent largement le cadre du jazz, mais surtout à Tom Waits auquel il apporte sa science du bruitage, il nous visite en trio avec Henry Grimes, l’un des grands noms de la contrebasse, et Chad Taylor à la batterie. Agé de 79 ans, Jim Hall est quant à lui, une légende du jazz. Son jeu de guitare reste minimaliste, mais la moindre de ses notes Bobby McFerrin 01rêveuses et cristallines pèse tout son poids de justesse et de beauté. Scott Colley à la contrebasse et Joey Barron à la batterie ont mission d’accompagner son jeu fluide et énorme qui réserve toujours des surprises.  

- Toujours le même soir, et pour fêter la sortie de “VOCAbuLarieS“, son nouveau disque, Bobby McFerrin retrouve le Théâtre du Châtelet pour un concert a cappella. Il possède une voix unique dont la tessiture lui permet d’incroyables acrobaties vocales et utilise son corps comme tambour pour rythmer un scat qui ne doit rien à personne mais se fait l’écho de traditions africaines ancestrales.

J.-Terrasson.jpg

 

-Ceux qui ont manqué les concerts que Jacky Terrasson et son nouveau trio (Ben Williams à la contrebasse et Jamire Williams à la batterie) donnèrent en mars au Sunside peuvent encore découvrir le pianiste en showcase le 22 au Studio SFR, 9 rue Tronchet 75008 Paris. 200 places seront distribuées sur place la veille, 21 avril, à partir de 11 heures. 

 

John Scofield-John Scofield au New Morning le 23. Le guitariste s’y produit en quartette avec le pianiste Michael Eckroth et Ben Street à la contrebasse. A la batterie, il retrouve Bill Stewart qui joue dans plusieurs de ses disques (“En Route“, “Hand Jive“, “This Meets That“). C’est toujours une joie que d’écouter ce grand styliste de la guitare tremper le jazz qu’il pratique dans les accords du blues au vocabulaire du jazz, célébrer la soul music et le gospel.   

 

Thomas Enhco Trio - Ph.©Levy-Stab.-Jeune pianiste prometteur, Thomas Enhco occupe le Sunside avec son trio le 26 et le 27. “Someday My Prince Will Come“ (label AMES) sort en France après une première publication au Japon et mérite attention. Très marqué par l’héritage classique, son piano est encore académique et appliqué, mais ses choix esthétiques sont proches des miens, ses reprises de standards bien construites témoignent d’une vraie sensibilité et d’un profond attachement aux belles mélodies. Avec lui, Joachin Govin à la contrebasse et Nicolas Charlier à la batterie pour achever de vous convaincre.

Baptiste Trotignon, cover 

-Baptiste Trotignon se produit lui aussi au Sunside les 28 et 29 avril, mais aussi le 1 mai. Stéphane Belmondo à la trompette, David El Malek aux saxophones, Thomas Bramerie à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie donnent vie aux compositions du pianiste, dont plusieurs thèmes arrangés sous forme de suite constituent le plat de résistance de son nouveau disque intitulé “Suite…“ comme il se doit. Ces concerts de Baptiste s’inscrivent dans le cadre des « Nuits naïve Jazz » auxquels participent Mina Agossi, le Hadouk Trio, Julien Lourau et Alex Tassel.

Alex Tassel

-Ce même Alex Tassel occupe le Sunset le 30 avril et le 1 mai. Il sort chez Naïve “Heads or Tails“, un double CD, le premier acoustique, le second électrique, certaines compositions étant reprises, recrées différemment dans les deux disques. Le quintette acoustique joue le 30. Avec le trompettiste, Sylvain Beuf aux saxophones, Laurent de Wilde au piano, Diego Imbert à la contrebasse et Julien Charlet à la batterie. La même musique change d’aspect et plonge dans un univers électrique le 1. Laurent de Wilde se met au Fender Rhodes et la basse devient électrique avec Daniel Romeo. Le saxophoniste Guillaume Naturel remplace Beuf, Julien Charlet officiant les deux soirs.

Jean-Michel Pilc, cover-Jean Michel Pilc en trio au Duc des Lombards le 30 avril et le 1 mai avec le contrebassiste Boris Kozlov à la contrebasse et Billy Hart à la batterie qui l’accompagnent dans “True Story“ (Dreyfus Jazz), son dernier disque déconcertant. Car le pianiste reste nettement meilleur et surprenant en concert, la scène restant pour lui espace d’invention, d’imagination, de spontanéité, ce que permettent moins les contraintes de studio.     

    Sunset - Sunside : http://www.sunset-sunside.com

           Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com

                     Olympia : http://www.olympiahall.com

    New Morning : http://www.newmorning.com

          Studio de l’Ermitage : http://www.studio-ermitage.com

    Cabaret Sauvage : http://www.cabaretsauvage.com/

              La Maison du Duke : http://www.maisonduduke.com

        Le 9 Jazz Club : http://www.le9jazz.com

   Salle Pleyel : http://www.sallepleyel.fr/

           Théâtre du Châtelet : http://www.chatelet-theatre.com

                      Studio SFR : http://www.lestudiosfr.fr

 

CREDITS PHOTOS: Robot parkérien, Miguel Zenon, Jeremy Pelt, Martial Solal, Elise Caron, Hadouk Trio, François & Louis Moutin, Laurent Mignard, Stéphane Guillaume, Jacky Terrasson, John Scofield, Alex Tassel / Laurent de Wilde / Diego Imbert © Pierre de Chocqueuse - The Queen Suite Girls © Claude Carrière - Patrice Caratini © Didier Gaillard - Marc Ribot © Marco Zanoni - Bobby McFerrin © Carol Friedman - Thomas Enhco Trio © Philippe Levy-Stab.

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29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 11:18
G. de Chassy, Pictorial Cover aSeul au piano Guillaume de Chassy exprime émotions et souvenirs. Sa belle technique pianistique lui permet d’en décliner les moindres nuances. La musique de “Pictorial Music“, son nouveau disque, s’inspire des images de “Shift“, suite de films muets réalisés par le cinéaste Antoine Carlier. Guillaume a découpé ses improvisations en scènes, faisant court (son disque ne dure qu’une quarantaine de minutes) pour mieux structurer ses idées et éviter les répétitions inutiles. Nul besoin d’avoir vu les images de Carlier pour rentrer dans cette musique qui à son tour en évoque. Dans les notes de livret de l’album qu’il a rédigées lui-même, le pianiste nous avertit que ce travail de mémoire « a ouvert des portes dérobées dans (son) théâtre intérieur, libérant des réminiscences de thèmes qui (l’) accompagnent depuis toujours. » Sa magnifique et subtile adaptation de l’ultime sonate de piano de Beethoven est ainsi l’un des échos de ce vécu personnel qui s’est traduit par de nombreuses rencontres avec des pianistes classiques. Echos d’un parcours qui le conduit à intégrer Mozart - l’air de Cherubin des Noces de Figaro - à une improvisation et à donner les couleurs du blues à certains thèmes du deuxième concerto de piano de Prokofiev. Sa musique se nourrit depuis toujours des compositeurs romantiques (Brahms, Chopin) et ceux de la première moitié du XXe siècle, Scriabine, Prokofiev, Poulenc, Fauré, auteurs qu’il cite volontiers. Certaines pièces sont de pures miniatures abstraites et oniriques, de véritables épures dont il fait délicatement sonner les notes. La cinquième scène, la plus longue, illustre peut-être davantage que les autres la dramaturgie imposée par l’image. Pièce à tiroirs, elle mêle plusieurs cadences, fait alterner tensions extrêmes et instants sereins. Les notes sombres et inquiétantes que martèle une main gauche puissante mettent en valeur la mélodie, fil conducteur de la pensée du pianiste, même transformée par son inépuisable imagination harmonique. Exigeant avec lui-même, Guillaume de Chassy ne la perd jamais de vue dans un univers poétique au sein duquel, pour citer ses propres termes : « la frontière entre l’écrit et l’improvisé, le prémédité et l’instinctif, demeure volontairement floue. » Un bref hommage à Clint Eastwood  - une reprise limpide et émouvante de Gran Torino - conclut un important jalon de la quête mélodique d’un pianiste allant à l’essentiel.
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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 09:18
J. Delli Fiori & D. Le BasLUNDI 8 mars
Conférence de presse du festival Jazz Sous les Pommiers au Sunset à 19 heures, Quest juste au-dessus au Sunside le même soir, on ne s’ennuie pas dans les clubs de la rue des Lombards. A Coutances, sous les pommiers, le festival s’annonce sous les auspices de la fête. Pour sa 29ème édition qui se tiendra du 8 au 15 mai, Denis Le Bas (en photo avec Julien Delli Fiori, désormais directeur de Fip) nous annonce un programme diversifié entre découvertes et artistes confirmés. Parmi ces derniers, Roy Hargrove, Eric Le Lann, Melody Gardot, André Ceccarelli, Christophe Leloil, John McLaughlin, Paolo Fresu et Uri Caine, Joshua Redman et Brad Mehldau. Programme détaillé sur le site du festival    http://www.jazzsouslespommiers.com
Dans la cave du Sunset, on se régale avec d’excellents fromages et des huîtres en quantité inépuisable. Le concert de Quest au Sunside me contraint d’écourter mon tour de buffet, les meilleurs mets ne pouvant m’écarter d’un groupe de légende qui, reformé en 2005 après une quinzaine d’années de cessation d’activité, est de retour Richie Beirach & J.J. Pussiauaussi bon que jamais. Jean-Jacques Pussiau (en photo avec Richie Beirach) qui reprend du service comme producteur, annonce un nouveau disque à la rentrée sur OutNote, le nouveau label dont il s’occupe, un live intitulé “Re-Dial“. Très active dans les années 80, la formation n’a presque jamais connu de changement de personnel. Ron McClure et Billy Hart ont très vite remplacé George Mraz et Al Foster après l'enregistrement du premier album, le groupe acquérant ainsi sa sonorité définitive. Car
Quest a réellement un son. Grâce à Dave Liebman bien sûr qui possède un timbre unique au soprano, mais aussi à Billy Hart dont la frappe et les ponctuations à la caisse claire, cette dernière très sonore, le rendent reconnaissable. Mais Quest reste surtout la rencontre réussie de deux grands talents dissemblables, l’alliance contre-nature d’un saxophoniste au tempérament de feu et d’un pianiste romantique dont la musique croise rythmes de jazz et Dave Liebmanharmonie classique européenne. Cette dernière tient une place importante dans un piano à l’esthétique raffiné qui tempère les longues improvisations aventureuses de Liebman. Les deux hommes se connaissent si bien que l’un semble toujours savoir ce que l’autre va faire. Richie Beirach joue une musique d’une grande liberté tonale et possède une science harmonique qui lui permet de toujours dialoguer, d’anticiper la phrase musicale. Assagi, Liebman souffle moins de phrases brûlantes, tord moins le cou à ses notes. Cette sérénité non exempte de force se retrouve dans les ballades parfois jouées au ténor. Dave en joue aujourd’hui beaucoup. Le son est volumineux, puissant, torride dans une version de Freedom Jazz Dance très enlevée, le saxophoniste modulant toujours des sons extrêmes, mais se plaisant aussi à décliner de beaux thèmes oniriques. La différence entre les deux hommes est ainsi moins marquée, le contraste entre leurs instruments moins affirmé. La musique gagne ainsi en fluidité. Quant au groupe - et l’ami Papy me le souffle à l’oreille - , s’il a depuis longtemps acquit sa pleine maturité, il gagne désormais en sagesse.
Photos © Pierre de Chocqueuse
 
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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 09:45
MERCREDI 3 mars
MEHLDAU-2NBBrad Mehldau
, on aime l’entendre improviser au piano. Il possède un rare sens de la forme et construit ses chorus avec une logique qui leur donne un aspect achevé. Le concert qu’il donna en solo au théâtre du Châtelet le 3 mars prêta pourtant à polémique. Martelant les accords d’un ostinato, le pianiste se lança d’emblée dans un maelström de notes qu’il fit tourner jusqu’à épuisement, le sien et celui du public. Mehldau exposa ensuite une jolie mélodie bluesy vite abandonnée pour un épais tourbillon de notes gonflées aux hormones orchestrales. Ce n’est qu’avec The Needle and the Damage Done qu’il revint à une certaine simplicité, la mélodie de Neil Young se voyant magnifiée par des tours de passe-passe harmoniques, notes dansantes et féeriques posées par des doigts au toucher délicat. Brad fit de même avec I’m Old Fashioned et My Favorite Things, s’attachant à mettre en valeur les notes des thèmes par de longues phrases ressemblant à des vagues. Inspiré par la beauté de leurs lignes mélodiques, il leur invente de nouvelles harmonies, entrouvre en temps réel les portes d’un monde sonore inexploré, dans une éternité de l’instant qui semble indéfiniment durer. Il en va tout autrement lorsque le choix de son répertoire le conduit à une surenchère harmonique, aussi vaine qu’étouffante. Ses reprises apparaissent alors comme de véritables tours de Babel sonores dont les architectures massives ne semblent plus reposer sur un sol mélodique (si toutefois un tel amoncellement de notes permet de reconnaître les mélodies qu'il reprend). Gêné dans sa concentration par les palabres d’un premier rang bavard, Brad Mehldau écourta sa prestation, offrit un seul rappel à un public divisé, les enthousiastes et les déçus héritant d’un concert un peu court.
 Photo © Philippe Etheldrède
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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 10:41
BRAD MEHLDAU Highway RiderSurprenant le nouveau disque de Brad Mehldau, un mélange d’enthousiasme et de déception, ses bons moments, les plus nombreux, faisant passer les estouffades indigestes qui le parsèment, des pages symphoniques qui alourdissent la musique au lieu de l’éclairer. Brad retrouve ici Jon Brion avec lequel il a travaillé sur “Largo“. S’il est difficile de savoir ce que l’auteur des musiques de “Magnolia“ et de “Punch-Drunk Love“, deux films de P.T. Anderson, apporte exactement aux travaux du pianiste, on retrouve ici certaines recettes qui font le charme de “Largo“ : une production soignée, un travail de studio qui met en valeur les mélodies de Brad, de vraies chansons dont on sifflote les mélodies et qui vous trottent dans la tête. “Highway Rider“ en contient de superbes, chacune d’elles bénéficiant d’une instrumentation propre, de couleurs singulières. Utilisant deux batteurs (Jeff Ballard et Matt Chamberlain) et la contrebasse de Larry Grenadier, Mehldau improvise relativement peu, décline longuement les airs qu’il façonne et laisse beaucoup de place à Joshua Redman, au ténor bien sûr, mais aussi au saxophone soprano, instrument qui lui est moins habituel. Portés par des rythmes binaires, John Boy, Don’t Be Sad, Sky Turning Grey font penser à des morceaux des Beatles. Le pianiste ajoute un orgue à pompe (pump organ) aux deux derniers, une touche sonore un peu vieillotte à sa musique. Portée par des claquements de mains, la petite mélodie entraînante de Capriccio se double d’un beau chorus de soprano. Dans John Boy, les cuivres interviennent de manière fort judicieuse. Avec ses deux parties collées l’une à l’autre (le thème est superbement décliné par des voix dans la seconde), The Falcon Will Fly Again est une grande réussite. Malheureusement Brad Mehldau a des velléités de compositeur classique, n’en possède pas le métier, et les orchestrations redondantes de certains morceaux nous ramènent cent ans en arrière. Utilisées à bon escient et simplement, les cordes colorent joliment la ligne mélodique de Don’t Be Sad, mais Now You Must Climb Alone suivi de Walking The Peak sonnent au mieux comme de passables illustrations sonores. Redman a beau se fendre d’un superbe chorus de ténor et Brad multiplier les variations au piano, la masse orchestrale écrase les solistes. On nage en plein concerto néo-classique dans la première partie de Well’Cross the River Together. La seconde passe mieux, les cordes frémissantes se joignant au ténor pour sauver le morceau du naufrage. Pages d’écriture académique, les deux dernières plages symphoniques du second disque sont tout aussi boursouflées. Les deux derniers titres de chaque CD sont d’ailleurs ceux qui prêtent le plus à polémique, comme si Brad Mehldau, pas sûr de lui, nous autorisait à les zapper. Aussi inégal que diversifié, ce nouvel opus témoigne toutefois d’une véritable inspiration mélodique, denrée rare au sein d’un jazz moderne qui sacrifie trop souvent la beauté à la technique.
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16 mars 2010 2 16 /03 /mars /2010 10:01
Alexandra Grimal, coverTrente ans à peine et quinze ans de pratique du saxophone, Alexandra Grimal promène ses instruments (ténor et soprano) en Europe et possède plusieurs formations dont un quartette avec le guitariste brésilien  Nelson Véras. On l’a récemment remarquée dans “Filigrane“, le dernier disque du pianiste Edouard Ferlet, ajoutant du mystère à un opus qui en irradie beaucoup. Mais c’est avec une section rythmique bien connue de la scène jazz bruxelloise qu’elle nous offre ce disque, enregistré en août 2009 au studio La Buissonne. Elle souffle des notes longues et féeriques qui s’étalent comme une tapisserie brodée au petit point. Avec elle, Giovanni di Domenico, pianiste fin et sensible, joue des harmonies sophistiquées et propose des compositions oniriques au charme puissant (Aranda, Mitote), aux notes un peu étranges qu’il fait délicieusement respirer. A la contrebasse, Manolo Cabras improvise de belles lignes mélodiques. Joao Lobo, le batteur, les commente et les colore par le métal de ses cymbales, les peaux accordées de ses tambours. Ce dernier apporte Crista, un joli morceau qu’aurait pu écrire Paul Motian, un thème simple et chantant autour duquel s’enroule délicatement un saxophone au timbre diaphane jouant une musique d’une pureté minérale cristalline. L’impression de fragilité qu’elle donne nous la rend précieuse. Une vibration sonore un peu forte pourrait presque faire disparaître ces notes rares parsemant des mélodies aérées et d’une simplicité extrême (Saudades Correspondidas), des thèmes ouverts sur un jazz souvent abstrait et riche en ambiguïtés harmoniques. Sans Raison évoque celles qu’affectionne Wayne Shorter. Une longue improvisation du pianiste révèle la singularité de son phrasé. Eh !, un thème riff, proche du bop par son aspect anguleux, permet à Alexandra Grimal d’affirmer sa grande maîtrise technique, son jeu sensible. Presque un murmure, les rares notes de Passage sont comme des voiles que tend un vent de plus en plus fort. On aime ce saxophone qui semble souffler de la lumière dans Marcher, éclaire de ses sons Ellipse, et invente nonchalamment des paysages sonores aux frontières du réel.
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